« ...on est assis, table ordinaire ou table d’hôte...On mange des épinards. » Freud poursuit : Madame E.L., assise à côté de lui, pose sa main familièrement sur son genou. Il écarte sa main, elle lui dit alors "mais vous avez toujours eu de si beaux yeux ». Et lui de voir quelque chose comme deux yeux qui seraient dessinés ou comme le contour d’un verre de lunettes....(Freud, 1901).
J’ai choisi ces deux scènes/idées oniriques, « manger des épinards » et « avoir des beaux yeux », comme des pensées intermédiaires (Freud 1901) afin d’aborder le paiement, la gratuité et leurs significations psychiques dans les traitements analytiques en institution. Cette démarche de la « transformation en image visuelle » d’un concept abstrait nécessite une certaine distanciation, une désaliénation du spectateur, et en même temps invite les processus tertiaires (Green, 1972) et la question du tiers.
Au Centre Kestemberg, dans les mouvements de transfert et contre-transfert, nous mangeons souvent des épinards. Nous nous berçons souvent de l’illusion, le piège du transfert gratuit qui peut coûter cher, d’être « servis pour nos beaux yeux » ! Prendre un peu de cuivre et de verre pour de l’or et des diamants (Descartes, 1637) c’est le risque de l’illusion, de « faux-jetons ». Dans le transfert avec nos patients en précarité psychique ou matérielle, cette plénitude spéculaire illusoire, persécutoire et/ou divine selon le moment, trouve son écho dans le contre-transfert. Cette quête illusoire et indispensable de l’objet idéal dévoile la fascination infantile et la vision de rêve qui apparaît à Freud comme le renversement de la fascination du regard. « C’est dans le regard de ces loups (…) que Freud voit l’équivalent du regard fasciné de l’enfant devant la scène qui l’a marqué profondément dans l’imaginaire - » (Lacan 1954-1955, p. 208). Tout est possible dans…