Intérêt de l’examen psychologique de l’adulte dans la recherche en psychiatrie
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Intérêt de l’examen psychologique de l’adulte dans la recherche en psychiatrie

Introduction

L’examen psychologique, qui s’appuie sur des entretiens cliniques et la passation de tests, est une méthode à laquelle les psychologues sont spécifiquement formés. Or depuis quelques années, les modèles psychométriques en France ont connu un relatif état de stagnation dû notamment à la période de l’après 1968 où l’on refusait de “cataloguer” les sujets, de les mettre à distance ou de les réduire à l’état d’objet d’observation. Cette critique s’adressait non seulement aux bilans cliniques où la crainte était “d’étiqueter” les patients en les stigmatisant comme malades mentaux, mais aussi à la recherche où le “sujet” en souffrance devenait “objet d’étude”. Les psychologues français ont pourtant un code de déontologie, ils sont responsables de leurs actes et ne sont pas censés agir à l’encontre de l’intérêt des patients. Au lieu de stigmatiser, l’examen psychologique peut contribuer à adapter la prise en charge et à l’orientation du patient vers des projets, traitements ou psychothérapies visant une insertion réussie et adaptée, minimisant les rechutes et augmentant l’estime de soi. Quant à la recherche en psychologie clinique, elle a pour but d’apporter des éléments supplémentaires à la compréhension du fonctionnement psychologique dont le patient pourra bénéficier par la suite. Il n’en reste pas moins que les chercheurs en psychologie sont rarement en contact avec le terrain clinique et les cliniciens, pour leur part, sont rarement associés à des travaux de recherche (Grégoire, 2001).

Utilisation et intérêt des tests psychologiques dans la recherche

Les évaluations psychologiques, bien connues par les cliniciens, ont tout à fait leur place dans la recherche clinique, notamment en psychiatrie adulte. L’objectif n’est pas le même qu’en clinique. On ne répond pas au même type de question, les tests ne sont pas effectués par la même personne, ils n’ont pas lieu au même moment. Dans les protocoles de recherche, le psychologue suit les règles éthiques d’information et de consentement, il est demandeur et le patient donne son accord ou non. (F. Grunberg, et coll., 1995). Un entretien présentant la recherche au patient est nécessaire pour l’informer au préalable de la procédure, s’assurer qu’il est en mesure de participer à l’étude et que la passation de tests n’entraînera pas d’effets délétères (comme de l’angoisse ou une recrudescence délirante). Dans tous les cas le patient a le droit de bénéficier d’un retour sur les épreuves qu’il a passé.

Quel genre de tests psychologiques sont utilisés ? Ce sont souvent des tests psychologiques classiques ou neuropsychologiques. Par exemple, la WAIS III permet d’apparier des groupes de sujets en fonction de leur efficience afin de ne pas généraliser des résultats sans tenir compte du niveau intellectuel. Lors d’un travail sur l’insight par exemple, ce même test peut permettre d’établir des corrélations en comparant ce que les patients comprennent de leur maladie à leurs capacités générales de compréhension, mesurées par des subtests choisis préalablement. Les tests projectifs sont aussi utilisés en recherche clinique (Fernandez & Catteeuw, 2001), surtout ceux qui permettent des analyses standardisées et quantitatives tels que le Système Intégré du Rorschach (introduit par Exner) répondant ainsi de manière objective aux exigences méthodologiques : “La recherche se veut à la fois scientifique et clinique. Elle est une recherche scientifique au sens plein du terme dans la mesure où, délibérée, elle fait l’objet de projets construits à partir de concepts aussi précis que possible et d’hypothèses soigneusement élaborées qu’on cherche à vérifier en mettant en œuvre une méthodologie et des techniques appropriées.” (Bourguignon, 1982).

L’essor actuel de l’étude du fonctionnement cognitif (le traitement de l’information, le raisonnement, les systèmes mnésiques, le langage, les fonctions visuo-spatiales, les fonctions exécutives etc…) donne un regain à l’utilisation des tests cognitifs. Certains peuvent être informatisés, permettant ainsi une diminution des biais comme le temps de réponse et une analyse plus rapide d’un grand nombre de protocoles. Des batteries cognitives sont utilisées en psychiatrie pour évaluer l’impact des traitements pharmacologiques sur les fonctions cognitives des patients. Par ailleurs, les techniques d’imagerie cérébrale contribuent grandement à l’avancée de la recherche dans ce domaine.
L’évaluation psychologique en recherche permet aussi une application concrète et pragmatique sur le plan clinique. Ces protocoles ont pour objectif de mieux comprendre et d’aider les patient en ajustant et évaluant les prises en charge pour qu’elles soient utiles et le plus adaptées possible au quotidien (prise en charge collective, remédiation cognitive, réhabilitation sociale, choix des traitements pharmacologiques…)

Illustration

En illustration, nous proposons de décrire concrètement l’intérêt d’évaluations psychologiques dans un protocole en cours, que nous menons à l’Unité de Recherche Clinique en Psychiatrie Adulte à l’Hôpital de Ville-Evrard (Saint Denis). Cette unité est composée de six psychiatres et une psychologue avant tout cliniciens, un pharmacien. La collaboration psychiatrie/psychologie trouve toute sa richesse par la mise en commun de diverses connaissances et de la mise au point des objectifs d’étude. Le psychiatre va s’occuper de l’inclusion des patients en fonction du diagnostic, du traitement pharmacologique en cours, des données, médicales, physiologiques, neurobiologiques et des questionnaires à propos des symptômes ou de la qualité de vie. Le psychologue va choisir les outils (tests) les plus appropriés et les plus pertinents pour répondre à la question principale afin que dans un second temps, les résultats de la recherche aient des conséquences bénéfiques sur une meilleure connaissance du fonctionnement et de la prise en charge des patients.

Notre étude s’est construite à partir d’observations cliniques et de données de la littérature. Nous avions remarqué que certains patients souffrant depuis plusieurs années de schizophrénie étaient en réelle phase de rémission et pouvaient mener une vie active sur le plan social et professionnel. Nous avons constitué 3 groupes : des patients schizophrènes hospitalisés, des patients schizophrènes en rémission et un groupe de sujets contrôles. Notre hypothèse était que les patients avaient des performances cognitives, un traitement de l’information et une capacité de conceptualisation améliorées lorsqu’ils étaient en rémission. Les outils méthodologiques étaient constitués : 1) d’échelles évaluant la présence de symptômes cliniques (PANSS, CGI, MADRS), 2) de tests cognitifs évaluant les fonctions cognitives habituellement décrites comme dysfonctionnelles dans la schizophrénie (mémoire verbale par le test de Grober et Buschke, la mémoire de travail par le subtest de mémoire des chiffres de la WAIS-R, les fonctions exécutives par le Wisconsin, le test de Gonogo et le test de la Tour de Hanoï) et 3) d’un test de Rorschach (Système Intégré d’Exner) dont l’accent est mis sur la perception et les activités cognitives de sélection et d’organisation de l’information.

Les résultats préliminaires montrent que les patients ont une meilleure flexibilité et inhibent davantage les informations non pertinentes (fonctions exécutives). Au Rorschach, la plupart des patients ont toujours un indice SCZI positif (processus perceptifs et idéationnels) alors qu’ils sont en rémission. Cependant ce même indice s’avère nul chez d’autres patients en rémission et il s’agit de comprendre pourquoi. En fait, d’autres études ont montré que cet indice peut s’avérer positif chez des patients présentant une schizophrénie de type désorganisée plutôt qu’une schizophrénie de type paranoïde (Castro, 1996). Des corrélations avec les échelles psychiatriques soulignant les différents types de symptômes, les traitements et les tests cognitifs peuvent être à mêmes de nous renseigner davantage. Ainsi, on pourra mettre en place des prises en charges cognitives (type atelier mémoire par exemple) en axant sur des exercices précis en vue de remédiation cognitive, puis observer l’impact de ces entraînements sur le fonctionnement social et le maintien de la rémission.

Conclusion

L’examen psychologique dans la recherche clinique en psychiatrie adulte peut se trouver au cœur de la méthodologie. Le rôle du psychologue ne se réduit pas à un “testeur” puisqu’il contribue à la construction du protocole par le choix, l’analyse et l’interprétation des tests en fonction des hypothèses et de la littérature. Mais si l’utilisation de ces tests augmentent dans le paysage actuel, leur conception et validation doivent être encouragées en France pour rattraper le retard notamment concernant les tests neuropsychologiques. Comme le souligne J.-L Bernaud & D. Castro, à propos de l’avenir proche : “Il sera sans doute nécessaire de dépasser, au XXIème siècle, des modèles locaux, élaborés par un auteur isolé, pour disposer de modèles plus généraux et transversaux”. Ainsi différentes équipes pourront choisir parmi de nombreux outils ciblés, étalonnés et validés afin que les travaux puissent être comparables, réplicables et le plus objectifs possibles.

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