La création et ses environnements
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La création et ses environnements

Les textes réunis dans ce dossier sont issus du cinquième colloque du réseau interuniversitaire Cliniques de la création, intitulé La création et ses environnements, organisé par le Centre de Recherche en Psychopathologie et Psychologie Clinique de l’Université Lyon 2 : ce réseau de recherche vise notamment à explorer par l’art les cliniques de l’extrême et des situations limites de la subjectivité et à interroger les processus de symbolisation à l’œuvre dans la dynamique de l’acte créateur. L’interaction entre art et clinique s’effectue notamment du côté de la prise en compte de la sensorimotricité dans le processus créateur et de la problématique des corps extrêmes, tant dans le champ artistique que dans celui de la clinique.

La création comme processus de transformation implique l’intersubjectivité ainsi que les parts archaïques de la psyché : un des enjeux essentiels de la création est la tentative de symbolisation des expériences premières. L’œuvre permet en particulier de réactualiser et de symboliser les expériences primitives impensables, irreprésentables, qui concernent notamment le lien aux objets premiers ; l’ombre de l’objet tombe ainsi sur la création. Le processus créateur gardera souvent la trace d’une mélancolie à laquelle l’auteur cherche à échapper dans son œuvre, comme il tente d‘échapper à l’emprise de ses objets premiers.

La mélancolie apparaît par exemple à la source de l’œuvre de Thomas Bernhard (1931-1989), qui évoque ses livres comme le lieu où il peut toujours « imaginer un dialogue qui n’a pas eu lieu, avec son frère, sa mère » : « C’est le dialogue avec le passé qui n’a plus lieu et qui n’aura jamais lieu (…) C’est la tentative de mettre le doigt sur des objets qui se dissolvent au moment même où on croit les avoir touchés » (Trois jours). Telle sera l’écriture de Thomas Bernhard : l’expérience créatrice vise donc à tenter de représenter et de survivre aux expériences archaïques de détresse, de l’effacement des objets et de soi. La création consiste donc à faire advenir le non encore advenu de soi, en inscrivant dans l’œuvre ces éprouvés originaires jusqu’alors irreprésentables. L’expérience créatrice vise ainsi à la figuration d’un traumatisme primaire, qui n’a pu être symbolisé ni approprié subjectivement.

Les auteurs de ce dossier vont tenter de dégager le rôle joué dans le processus créateur de l’œuvre par les environnements du créateur, multiples, depuis la contextualisation familiale des origines jusqu’à la configuration socioculturelle dans laquelle le sujet se situe et situe son action créatrice. En abordant ce qui façonne les « environs » singuliers d’un créateur, chaque intervenant mettra en perspective les effets incitatifs ou inhibiteurs des contextes où ont vu le jour les œuvres.

Au fond, les contraintes extérieures du milieu ne favorisent-elles pas paradoxalement l’émergence de l’activité créatrice qui aurait, dès lors, besoin pour se déployer d’aller contre ce qui l’entoure et ceux qui l’environnent ?

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