Wilfred Bion (1979) a décrit la fonction contenante comme un mode de communication primitif entre mère et bébé, qui se retrouve dans les communications entre patient et thérapeute. La description utilise une métaphore : bébé ou patient projette un aspect de lui-même dans le psychisme de la mère ou du thérapeute ; ce qui est projeté doit être transformé pour être restitué sous une forme pensable. Quel est le processus sous-jacent à la métaphore ? Il suppose : une présence physique d’une durée suffisante pour permettre un échange profond entre les deux partenaires – une réceptivité du thérapeute à tous les messages émis par le patient – une capacité de rêverie qui transforme les éléments projetés en pensées douées d’une forme de stabilité qui vient se substituer aux turbulences émotionnelles. Je propose dans cet article d’appliquer ce modèle contenant/contenu, issu des cures psychanalytiques individuelles, aux aspects institutionnels des traitements psychiatriques. Le cadre institutionnel met bien en évidence la nature processuelle de ce que Bion a baptisé fonction contenante.
L’institution comme cadre thérapeutique
L’institution de soin a des objectifs sensiblement différents en médecine du corps et en médecine de l’esprit. Dans la médecine du corps, le recours à une institution se justifie par les moyens et les compétences qu’elle réunit. Il s’agit de disposer dans un espace restreint des meilleurs outils d’exploration et de rassembler dans cet espace les compétences requises pour explorer l’état des patients, surveiller leur évolution et appliquer les thérapeutiques nécessaires. On peut s’en tenir à ces critères pour définir une institution de soins somatiques. L’institution de soin psychiatrique doit répondre aux mêmes critères, certes, mais elle doit, en outre, être en elle-même thérapeutique. Autrement dit, elle n’est pas seulement le lieu de rassemblement des moyens nécessaires…