La gratuité comme transfert
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La gratuité comme transfert

La femme est assise en face de moi. Il y a quelques mois, quatre ou cinq, je ne me souviens plus. C’était peu après les vacances d’été, qui avaient rallongé d’autant le délai de sa rencontre avec un analyste. Je suis allé l’accueillir dans la salle d’attente et nous avons emprunté le couloir qui traverse le Centre pour arriver jusqu’à mon bureau. Elle n’a pas eu de réflexion sur la topographie, rien sur la décoration, peu sur le délai, on l’avait prévenue. Simplement, elle est démunie et le CMP précédemment consulté n’avait pas de disponibilité.

Elle n’est pas venue à sa séance la semaine dernière, alors que l’exigence d’assiduité est le prix, la contrepartie, le contre-don… à la gratuité. Autant de signifiants pour ouvrir à une élaboration possible du fait de gratuité et de son rapport à un processus d’isolation à l’œuvre dans le transfert. Comme à son habitude elle se tient droite, pas question de se laisser aller au confort du fauteuil, pas question que je lui échappe. Cette fois-ci, plus question de ses hommes, de son plaisir, de son pouvoir sur eux, du conflit incestuel avec son fils qui « ne fait que la surveiller », du départ de son autre fils, ni de leur père, cet homme qu’elle avait rencontré peu de temps après son arrivée en France et qui ne s’était pas gêné pour la frapper. Son corps suinte. Il y a dix jours elle a senti une boule sous le sein, un abcès, lui a-t-on diagnostiqué, qui a été « excisé ». Rien dans ce terme attribué au chirurgien ne l’interpelle. Sa parole s’emballe comme les boucles d’une musique répétitive. Elle a quitté la narration revendicatrice d’une identité en constante construction, pour celui de la demande d’un transfert thaumaturge. La…

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Exercer en institution : le prix de la gratuité