La question de la dépression primaire
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La question de la dépression primaire

L’exploration par la psychanalyse d’états psychopathologiques très archaïques a conduit divers auteurs à décrire une forme de dépression antérieure à la constitution d’un Moi. Winnicott le premier, dès 1958, a attiré l’attention sur des états de souffrance dépressive qu’il a nommé “dépression psychotique” dans lesquels la perte de l’objet s’accompagne de la perte d’une partie du Self très concrètement représenté par l’éprouvé corporel. C’est ainsi, dit-il, que la perte du sein est ressentie comme une perte d’une partie de la bouche à une phase du développement où l’enfant n’a pas les moyens de différencier l’objet de son propre corps ni d’élaborer une perte pour en faire une expérience psychique et non plus seulement un éprouvé corporel.

Frances Tustin a repris cette notion pour l’appliquer à l’autisme infantile dans lequel elle a mis en évidence le vécu par l’enfant d’un arrachement d’une partie de sa bouche accompagnant la perte du sein maternel et laissant l’impression d’un trou noir rempli d’éléments persécuteurs. Dans le courant kleinien la théorie du Moi précoce s’est trouvée remise en cause au profit d’un modèle dans lequel l’objet externe est chargé, pendant les premières phases du développement, d’assurer les fonctions moïques que l’enfant n’est pas capable d’assumer pour son propre compte.

La relation contenant/contenu décrite par W.R. Bion (1962) est le modèle le plus achevé correspondant à ce nouveau paradigme : les éprouvés corporels du bébé (les éléments bêta) sont projetés dans le psychisme de son partenaire adulte, à charge pour ce partenaire de les recevoir et de les transformer en éléments pensables (les éléments alpha) que le bébé reçoit en retour et qu’il peut assimiler psychiquement parce que, sous cette forme transformée, ses expériences vécues peuvent se lier entre elles, s’organiser en des représentations et en des pensées de plus en plus complexes. Alors l’enfant peut distinguer le monde psychique du monde concret, établir une limite entre son monde interne et le monde extérieur, il peut à l’intérieur de cet espace psychique conserver les traces de ses expériences passées et les tisser peu à peu en une trame continue constitutive de son identité et de sa singularité.

Esther Bick, dans sa description de l’expérience de la peau (1968), fait l’hypothèse que, dans l’état post-natal, le bébé n’est pas capable par ses propres ressources de rassembler les différentes parties de sa personnalité qui ont tendance à se disperser si elles ne trouvent pas dans le monde extérieur un objet qui les rassemble. L’objet contenant idéal, nous dit-elle, est l’expérience que fait le bébé d’avoir le mamelon dans sa bouche, de sentir l’odeur familière de sa mère, d’éprouver la sécurité de son holding physique et psychique et de vivre le bien-être d’une proximité peau à peau avec elle. La peau, au sens d’Esther Bick, en vient à représenter la fonction de rassemblement dont le bébé a un absolu besoin pour éviter la dispersion des parties de sa personnalité. Faute de cette peau psychique, l’enfant recherche une sensation à laquelle il s’agrippe pour se donner une illusion d’unité. C’est ce que le même auteur appelle des agrippements ou le phénomène de seconde peau que l’enfant obtient en s’agrippant à sa propre musculature ou à une de ses fonctions cognitives dont il a la maîtrise.

Donald Meltzer, à deux reprises, a développé une théorie de l’objet et de la fonction contenante. D’abord dans son ouvrage de 1967, il a insisté sur la fonction de réceptacle du psychanalyste qui soulage le patient, surtout en début de cure à une phase où il use préférentiellement du mécanisme d’identification projective massive. Il a nommé cette fonction première de l’analyste “sein-toilette”, en référence à la fonction maternelle de recevoir les tensions internes physiques et psychiques du bébé et de l’en débarrasser.

L’autre importante contribution de Meltzer est sa théorie de l’objet et du conflit esthétiques, qu’il a développé à partir de 1984. Il part de l’hypothèse de Bion selon laquelle le foetus en fin de grossesse serait animé d’une pulsion à naître. Les sens du bébé sont matures en fin de grossesse. Meltzer suppose que celui-ci éprouve une sorte de déprivation de ne pouvoir les exercer pleinement du fait du confinement dans lequel il se trouve au sein de la matrice maternelle. La naissance serait vécue comme une expérience d’émerveillement. L’enfant se trouverait soudainement assailli par des stimulations intenses qui lui viennent du monde extérieur et notamment de l’objet primordial qu’il investit préférentiellement, le sein de sa mère, que Meltzer nomme “objet esthétique”. Il est non seulement source de stimulations sensorielles multiples, mais aussi lieu de rassemblement des investissements du bébé dont les sens convergent vers un seul et unique objet. Mais, dans tout cela où y a-t-il conflit ? Un nouveau changement de paradigme est introduit par Meltzer. Le problème ne naît pas ici de l’opposition entre deux pulsions opposées, libido et agressivité, amour et haine, pulsion de vie et pulsion de mort, attaques sadiques et besoin de réparation. Il s’agit cette fois d’un gradient et non plus d’un conflit : l’enfant sur-stimulé par les expériences sensorielles que lui procure son objet, se trouverait confronté à l’inconnue des qualités intérieures de l’objet. Les qualités intérieures ce sont les qualités psychiques. Derrière cette beauté de façade que se cache-t-il ? Telle est l’énigme que l’enfant doit résoudre. L’objet esthétique masque-t-il des menaces derrière son apparence attractive et séductrice ? Il y a un gradient entre une connaissance surabondante des qualités de surface de l’objet et l’inconnu de ses qualités profondes.

Cela conduit Meltzer à proposer une inversion de l’ordre des positions décrites par Mélanie Klein, qui a décrit deux positions primordiales correspondant à deux modes de fonctionnement du Moi : une première, qu’elle a appelée “schizo-paranoïde”, où le Moi est menacé de désintégration sous la pression de la pulsion de mort qui l’habite -une seconde qu’elle a appelé “position dépressive”. Dans son modèle, la souffrance dépressive est postérieure à l’expérience de la persécution et de l’idéalisation qui caractérise la position schizo-paranoïde.

Dans la théorie du conflit esthétique, c’est le contraire. Meltzer propose une inversion de l’ordre des positions : une première position, que l’on peut qualifier de “dépressive primaire” serait la situation de l’enfant confronté à l’énigme que j’ai décrite plus haut. La dépression est toujours liée à un sentiment de se trouver devant une tâche insurmontable, une tâche pour laquelle on se sent désarmé ou mal armé. Telle serait l’état premier du nouveau-né : résoudre l’énigme par ses propres moyens lui est impossible. Il aurait alors tendance à réduire la difficulté de la tâche en recourant à des mécanismes schizo-paranoïdes, clivage, projection, idéalisation, avant de pouvoir dans une phase ultérieure réintégrer les parties clivées de son Self et de son objet en un tout cohérent.

En fait, le nouveau paradigme meltzerien s’appuie sur un modèle tri-phasique et non plus diphasique comme l’était le modèle kleinien. On a désormais affaire à trois positions et non plus à deux : une position dépressive primaire, une position schizo-paranoïde secondaire et une troisième position correspondant à la réintégration des parties clivées que l’on peut faire correspondre à la position dépressive de Mélanie Klein. Il n’y aurait donc pas incompatibilité entre les deux modèles, kleinien et meltzerien, mais plutôt développement et complexification d’un modèle à l’autre, à condition de ne pas confondre la “position dépressive primaire” de Meltzer avec la “position dépressive secondaire” de Melanie Klein. James Gammill a particulièrement insisté sur ce point en montrant la complexité des éditions successives de la “position dépressive” au sens de Melanie Klein et leur différence avec la dépression primaire catastrophique au sens que je reprends ici.

Un des intérêts de ce développement tri-phasique est de mieux faire comprendre le passage d’une position à l’autre, passage qui reste obscur chez Melanie Klein dans la mesure où elle est obligée de faire appel à des notions extérieures à la métapsychologie pour en rendre compte. Dans ce nouveau modèle, il y a un fil rouge qui est le besoin inné de faire converger en un tout cohérent l’ensemble de ses expériences sensorielles, émotionnelles et cognitives en trouvant dans le monde extérieur l’objet contenant qui rassemble toutes ces expériences et les relient entre elles de sorte qu’elles prennent sens et que l’enfant puisse sur cette base construire son “sentiment continu d’exister” et son identité. Cela se fait au cours d’un long processus dans lequel l’objet contenant évolue : c’est d’abord le sein maternel qui permet la convergence des différentes modalités sensorielles du bébé -c’est ensuite la mère comme objet total qui introduit l’enfant dans l’univers de la tiercéïté en lui faisant faire l’expérience de la frustration et découvrir ainsi l’existence du tiers- c’est enfin le couple parental qui, dans la problématique oedipienne, offre à l’enfant les images d’identifications homosexuelle et hétérosexuelle nécessaires à la construction de son identité sexuée.

Le fil rouge que je viens d’évoquer m’amène à postuler l’existence d’une préconception de l’objet et de la fonction contenants. Le psychisme humain est en quête, dès le début de la vie extra-utérine, du ou des objets qui favorisent le rassemblement, la cohérence, la continuité et la stabilité des expériences qui l’habitent. L’incapacité où il se trouve de rencontrer ces objets serait la source d’une dépression primaire. Il ne s’agirait plus d’une perte, qu’elle soit réelle ou fantasmatique, comme on l’observe dans les dépressions secondaires, mais d’une non rencontre entre une préconception et l’objet qui lui correspond. Ce défaut de réalisation au sens de Bion peut être partiel et temporaire, ce qui est sans doute inévitable à un degré ou à un autre. Il peut être durable et alors donner issue à un mécanisme destructeur d’attaque des objets qui pourraient remplir la fonction contenante requise. C’est ce que Bion a appelé “le renversement de la fonction”. C’est ce qu’on observe en pathologie. Il n’est plus suffisant dès lors d’offrir la fonction contenante jusque là défaillante, il faut un long et difficile travail d’élaboration, s’il est encore possible, pour redonner au sujet la capacité de recourir aux objets contenants extérieurs dont il a besoin.
Je voudrais donner une illustration de cette quête d’une fonction contenante tirée du matériel de la cure analytique d’un enfant autiste. Il s’agit des premiers mois de sa cure à une époque où ses capacités d’expression étaient encore très limitées et où son langage était quasi inexistant.

Illustration clinique

Cyril avait 3 ans lorsque j’ai commencé une cure psychanalytique avec lui pour un syndrome autistique sévère, à un rythme de 3 séances par semaine. Au bout de deux ans les parents ont accepté un rythme de 4 séances par semaine. Le traitement se poursuit actuellement à un rythme de 2 séances hebdomadaires. Il est commencé depuis 9 ans. Cyril est né au terme d’une grossesse normale sur le plan obstétrical, mais marquée par une grande angoisse car la mère se savait atteinte d’une malformation utérine qui s’était soldée à trois reprises par des fausses couches. Le bébé bougeait peu in utero et la mère avait le fantasme qu’il se protégeait par ce relatif immobilisme de la contrainte imposée par un utérus trop petit. La naissance s’est faite sans problème. Tout petit, Cyril pleurait beaucoup et il était difficile de le calmer. L’inquiétude des parents s’est réellement manifestée lorsqu’à 20 mois, Cyril a paru se couper de la communication. Il a cessé d’utiliser les quelques mots qu’il avait commencé à dire. Il a paru se retrancher dans sa bulle, selon l’expression de ses parents. Ils ont noté l’apparition de mouvements stéréotypés. La mère était à nouveau enceinte à cette période et elle donnera naissance à un autre garçon qui a 2 ans de moins que Cyril et dont le développement est tout à fait normal. Voici du matériel extrait du début de sa cure psychanalytique : après avoir fait dans les premières séances des jeux de dispersion de tout ce qui se trouvait dans la pièce, crayons, papiers, jouets, etc., Cyril a eu rapidement le souci de rassembler ces objets et de contrôler les contenants où il pouvait les mettre. En particulier, il s’est beaucoup intéressé aux boîtes de pâte à modeler et aux couvercles qui permettaient de les obturer. Rapidement, il a dit le mot “couvercle”. Au bout de deux mois, il a commencé à s’intéresser à l’eau. Il a joué à faire couler l’eau chaude et il a dit “chaud” en la touchant de la main. Je lui ai interprété que cela faisait chaud quand nous nous retrouvions lui et moi. Lors des séances suivantes, il a joué à asperger la pièce. Il a essayé de téter le robinet, mais il n’y est pas arrivé car il ne pouvait l’atteindre avec la bouche. En tentant cela il a dit “Maman” à plusieurs reprises.

Un jour, après avoir joué avec l’eau et avoir tenté de se saisir du jet, il est venu se mettre la tête tout contre mon ventre, ce que je lui ai interprété comme un désir de rentrer dans mon ventre et d’être comme un bébé dans le ventre de sa mère. Après cette interprétation, il s’est penché en arrière et j’ai dû le retenir pour qu’il ne tombe pas. Cela m’a évoqué un fantasme de naissance, mais d’une naissance qui risquait d’être catastrophique si elle n’était pas accompagnée d’un holding sécurisant. Il s’est alors retourné et s’est mis le dos contre moi comme pour trouver un appui d’arrière plan solide. Il a vidé les boîtes de pâte à modeler de leur contenu et il a voulu sortir de la pièce. Je lui ai dit qu’il avait peut-être eu l’impression de me rendre tout vide comme les boîtes en me prenant tout ce que j’avais à l’intérieur, notamment la force qu’il ressentait en s’appuyant contre moi et qu’alors il voulait partir parce qu’il avait peur de ce vide.

Dans ces premières séances, on voit Cyril se constituer un objet contenant dans le transfert. C’est bien sûr l’attention, la régularité, la disponibilité et l’empathie de l’analyste qui constitue ce contenant. Cyril le représentait très concrètement dans ce rapprochement physique qui évoquait un retour in utero et dans sa manipulation des boîtes de pâte à modeler. Par ailleurs, le travail d’élaboration et d’interprétation de l’analyste était nécessaire pour que Cyril puisse utiliser ce contenant et échapper au cercle vicieux dans lequel il se trouvait pris qui voulait que le moindre recours à la fonction contenante de l’objet semblait s’accompagner d’un fantasme destructeur.

Un dernier point que je voudrais illustrer par un extrait de l’analyse de Cyril est ce que j’appelle les qualités bisexuelles de l’objet contenant qui sont liées au juste équilibre entre son pôle maternel et son pôle paternel. Je précise qu’en parlant de maternel et de paternel je ne me réfère pas au sexe du parent concerné. Il y a du paternel dans la mère et du maternel dans le père. Secondairement, lorsque l’enfant abordera les rives de la situation oedipienne, il sera nécessaire qu’il puisse clairement identifier l’appartenance de chacun de ses parents à l’un ou l’autre sexe. Ici, c’est-à-dire dans les premières phases de son développement, il ne s’agit pas d’identifier des personnes totales et leur identité sexuée, mais de faire l’expérience de la conjonction chez un seul et même parent, qui joue le rôle d’objet contenant, d’une intégration adéquate de ces deux pôles.

Cyril s’est intéressé aux crayons. Il a joué à les faire passer sous la porte de la pièce comme pour les exclure du cadre des séances, tout en faisant cela il a dit pour la première fois “Papa” d’un air inquiet au moment où on a entendu du bruit à l’extérieur. J’ai commenté ce qu’il faisait en parlant des crayons qu’il voulait chasser comme des aspects papa trop durs et dangereux. Tout semblait se passer comme s’il projetait les aspects dangereux de sa relation transférentielle sur ces éléments paternels durs qu’il cherchait à exclure. Peu de temps après il a commencé à me nommer “Zel !” Mais alors une nouvelle frayeur est apparue : le bon maternel de la relation analytique semblait pouvoir s’écouler sans limite et le menacer d’envahissement. Cyril jouait à remplir un gobelet d’eau, puis à le renverser par terre avec une certaine excitation, mais ensuite il avait un regard effrayé en regardant l’eau s’écouler et il se rapprochait de moi pour se rassurer. Je lui ai parlé de sa peur de se sentir couler comme l’eau par terre et de son besoin de s’assurer en venant près de moi que nous n’étions pas tous les deux partis en liquide ou noyés, envahis par l’eau qui coulait.

Ce matériel illustre un point que je juge fondamental dans l’établissement de la relation d’objet : l’objet maternel est attirant, séducteur, mais il menace en même temps d’engloutissement et d’anéantissement si son attraction n’est pas tempérée par des composantes paternelles. Cyril a continué à jouer à l’eau, mais j’ai réduit le débit du robinet pour éviter les inondations et je lui ai demandé de vider l’eau dans le lavabo et non par terre. J’étais alors dans un rôle paternel. Parfois, je devais l’empêcher physiquement de renverser son gobelet plein d’eau sur le sol et alors il venait me donner une tape sur la main. Mais lorsqu’il réussissait malgré tout à le faire, il reprenait son air effrayé et venait se réfugier près de moi comme pour échapper à l’écoulement de l’eau. Je lui ai parlé de son besoin que je le protège comme un papa de toute cette eau-maman qui lui faisait peur en s’écoulant. Il s’est mis à tester la solidité du sol, des meubles en tapant dessus et je lui ai parlé de son besoin de sentir des choses papa solides pour s’appuyer dessus et grandir. Il a voulu alors explorer le contenu de l’armoire en me demandant d’en ouvrir les portes.
J’en suis venu à l’hypothèse que l’intérêt de l’enfant pour les contenus du corps de la mère, comme Melanie Klein l’a décrit, dérive de la quête d’un objet contenant ayant les qualités requises et notamment des qualités bisexuelles que je me représente comme un contenant maternel limité et étayé par des contreforts paternels. Il faut, en quelque sorte, sonder ces qualités avant de s’engager plus avant dans l’aventure de la croissance psychique, car faute de les rencontrer il y aurait un risque d’anéantissement. Cyril, dans les séances suivantes, a passé la plus grande partie du temps à mettre les crayons par terre, puis à les ramasser et à me les mettre dans les mains, qui manifestement lui servaient de contenant. Il les reprenait pour les remettre par terre et les ramassait à nouveau pour me les remettre dans les mains. Il m’a dit à plusieurs reprises “regarde !” en me montrant les crayons sur le sol et il m’a parlé de mes yeux. Je lui ai dit que les yeux d’Houzel servaient à ramasser et à garder toutes ses pensées. Sa confiance dans l’objet contenant et dans ses qualités bisexuelles s’accroissait. Cyril pouvait confier des contenus précieux à ce contenant qu’il inscrivait de mieux en mieux dans la relation, dans l’échange, dans le partage. C’est ainsi que j’ai interprété la référence qu’il faisait au regard qui englobe et rassemble sans engloutir.