Tirer profit de l’expérience1
Le vaste champ de recherche que la psychanalyse contemporaine nous invite à ouvrir, m’a menée depuis plus de vingt ans à réfléchir à la dimension thérapeutique des pratiques artistiques. Cette réflexion a permis de dégager trois directions conceptuelles majeures intervenant dans les pratiques thérapeutiques utilisant ce type de médiations, théorisations que je considère comme ayant été pour moi des opérateurs fondamentaux.
Le jeu et l’espace transitionnel, tels que Winnicott les a théorisés, la conceptualisation de Bion concernant la capacité du sujet à transformer ou à digérer des contenus psychiques restés pour lui impensables en éléments progressivement symbolisables, me semblent aujourd’hui incontournables pour mieux appréhender les psychoses et les états limites. Penser ces cliniques désignées par René Roussillon de cliniques de l’extrême, ne saurait pourtant se faire sans utiliser aussi le concept de Marion Milner2 de medium malléable. Ce concept offre aux deux autres élaborations la trame absolument nécessaire à toute recherche sur les phénomènes transféro-contre-transférentiels concernant notamment le traitement des états mentaux devant lesquels la psychopathologie et la psychanalyse se retrouvent bien souvent démunies.
C’est d’abord au Winnicott pédiatre que je souhaite rendre hommage, car c’est ce temps premier de sa formation qui aura pour conséquence d’infléchir le reste de sa trajectoire psychanalytique, en attachant notamment une importance toute particulière au corps de l’enfant, du nourrisson - un nourrisson seul ça n’existe pas -, attirant ainsi notre réflexion sur des notions centrales telles que la dépendance absolue et la dépendance relative. Il introduit ainsi de facto une question d’ampleur : celle de l’environnement qui joue autour du sujet un rôle déterminant dans son organisation psychique. Winnicott opère donc un virage radical dans la pensée psychanalytique, puisqu’il…