Introduction
Dans les pratiques auprès d’adolescents souffrant de troubles limites tels qu’on les rencontre en DITEP¹, le rire est régulièrement convoqué au cœur des contenus de séance. Plus qu’une simple ponctuation, il s’invite comme un élément fort et impliquant, entre émergence émotionnelle brute spontanée et processus messager. Pour certains, le rire peut viser à détendre l’atmosphère, retirant un peu de sérieux à la situation thérapeutique ; il est alors un recours face à l’angoisse comme Alain-Noël Henri (2013) l’a souligné dans son anthologie sur l’humour². Mais dans le partage qu’il convoque, il est aussi à concevoir comme émergence d’un champ analytique co-construit entre les acteurs de la rencontre (Baranger, 2009) et comme support de projections de contenus émotionnels bruts qui attendent d’être réceptionnés et transformés. Très souvent, au cœur de ces pratiques limites du soin psychique, le rire initié par les adolescents vire à la moquerie, à l’insulte ou à la provocation, le sujet riant de l’autre à défaut d’être en capacité de rire de soi. Le rire se fait alors le point d’accroche du narcissisme (le sien et celui de l’autre) et devient moqueur, blessant, humiliant. C’est cet univers que je propose d’explorer.
Maîtrise du cadre, maîtrise de soi
« Bonjour, je suis connu pour ma narcissiquitude, je suis très très narcissique vous savez. Je souffre d’une psychose, le dernier médecin qui m’a vu, il s’est suicidé le lendemain ! Alors, j’ai envie de vous dire… bon courage ! » C’est ainsi que Théo, du haut de ses 12 ans, s’est présenté à moi lors de notre première rencontre, entre séduction et volonté d’effarement. D’emblée, il annonce la portée du défi : il est une cause perdue avec la mort comme seul destin.…
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