Les traces du paléolithique, mort et rites
Leroi-Gourhan, l’un des préhistoriens français les plus avertis et originaux, affirmait avec humour qu’« un beau squelette du Paléolithique moyen apporte à son inventeur une gloire authentique »,[1] mais que, lorsqu’il réalisait des fouilles, son attention se focalisait aussi sur la trouvaille de crânes isolés[2]. Je prendrai comme figure intermédiaire du dialogue entre le préhistorien et le psychanalyste l’exemple de Giacometti.
J’ai déjà eu l’occasion de comparer l’univers de Giacometti avec celui de Freud Brancusi, d’André Breton et de Guy Rosolato[3]. Cette fois-ci, c’est le préhistorien, notamment Leroi-Gourhan, qui sera l’interlocuteur privilégié de l’artiste.
Dans le paléolithique supérieur, en comparaison avec d’autres ossements, les crânes humains se sont mieux conservés en raison de la pratique de la sépulture, attestée avec certitude déjà chez l’Homme de Neandertal (lequel ne fut pas, jusqu’à preuve du contraire, un grand artiste comme Sapiens). La question qui se pose pour le préhistorien, mais aussi pour le psychanalyste, est de savoir si les pratiques funéraires s’associent à la représentation des absents morts ainsi qu’à un langage qui évoque leur mémoire.
La trouvaille d’un crâne isolé peut avoir des origines différentes : il peut s’agir de débris de faune, de trophées ou de reliques. Je me contenterai d’évoquer, dans ce bref exposé, quelques exemples bien connus qui se trouvent en rapport étroit avec mon propos.
Dans la grotte de Kébara, en Israël, occupé par Neandertal il y a environ 60 000 ans, on a découvert « un squelette posé sur le dos dans une fosse creusée en pleine terre, fermée par une couverture de branche »[4].…
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