Introduction
Je me souviens de mon premier stage en psychiatrie. Ce CATTP, dans la mouvance de la psychothérapie institutionnelle, soignait son ambiance et son humour, véritable outil clinique. Un jour, l’équipe était en réunion comme tous les vendredis après-midi dans la pièce commune, inaccessible aux patients jusqu’à 16 h 00. Paul ne cessait d’interrompre la réunion par diverses demandes lorsqu’à 15 h 10, il entra et dit : « Excusez-moi, vous en avez encore pour longtemps parce qu’il est bientôt 16 heures et… ». Et la psychologue compléta : « … et vous allez bientôt fermer ? » Le visage de Paul s’illumina d’un immense sourire. Éclatant de rire en simultané avec les soignants, il s’écria : « Eh oui ! Comme à l’épicerie ! » avant de repartir. Restauré dans sa capacité à supporter le cadre qui le privait de la présence des soignants, Paul illustrait ici cet aphorisme d’Hippocrate (1999, p. 239) : « le délire accompagné de rire est moins grave que le délire sérieux ». Par son sourire, il signifiait sa compréhension de la métaphore de la psychologue ; puis, sa comparaison avec l’épicerie le rendait propriétaire, en fantasme, de cet espace partagé avec le groupe, dont il pourrait décider de la fermeture, psychique s’entend.
Des groupes institutionnels à la thérapie familiale psychanalytique (TFP), les enjeux psychiques du rire continuent de m’émerveiller. Dans cette clinique propre aux situations « limites et extrêmes de la subjectivité » (Roussillon, 1999) se partagent souffrances, épreuves chaotiques, malaises, apathies et angoisses liées au traumatisme. Pourtant, on y rit beaucoup ! J’analyserai, à partir d’exemples, quelques fonctions du rire en TFP.
Quand le rire tient l’objet à distance
Je recevais en CMP Otto, 7 ans, et ses parents, au motif de ses crises d’angoisses massives. J’observais…
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