Faire avec l'angoisse
« Tout le monde me juge pour mon comportement parce que je suis nul à l’école et que je pense à des trucs gore. Ici, personne me juge ». Ce sont les propos de Louis, dès la première séance. Il a onze ans et ce préadolescent me frappe par la façon qu’il a, si directe, de m’interpeler. Sa présence très entière, l’intensité des affects qu’il amène me sollicitent fortement, et constituent une profonde empreinte, de celles qu’on peut qualifier de « rencontre avec un enfant ».
Il vient me voir en psychothérapie deux fois par semaine au CMPP. La pédopsychiatre de notre service l’a reçu en consultation avec ses parents épuisés, affolés par ce garçon indomptable. Les symptômes exprimés bruyamment à l’école et l’inquiétude de la famille persuadent ma collègue médecin qu’il est urgent de démarrer la psychothérapie. Je comprends que le job risque d’être intense et j’en accepte le challenge.
Refus explosif de l’autorité, problèmes d’attention et résultats scolaires calamiteux, Louis met le feu partout où il va. L’équipe enseignante, assaillie par son arrogance fulminante, arrive à bout de ressources et au bord de la crise de nerfs.
Il ne reconnaît aux adultes aucun ascendant, se place à égalité avec n’importe lequel d’entre eux, et se révolte à chaque occasion. Au cours de la récréation, il est monté sur le toit du collège, juste pour rattraper sa balle de foot. « Logique, non ? » réplique-t-il tout naturellement à la CPE.
« Ingérable », se plaint l’école qui nous appelle au secours, et nous sollicite pour des réunions, auxquelles se rendent mes collègues psychiatre et assistante sociale. Au CMPP dans lequel je travaille,…