Le corpus théorique s’intéressant à la grossesse, la naissance et l’accession à la parentalité comme étapes majeures de remaniements psychiques s’est progressivement étoffé au cours des dernières décennies (Bibring, 1959 ; Bydlowski, 1997). Néanmoins, des pans importants des processus psychopathologiques parentaux et de leur impact sur le développement des enfants et la mise en place des interactions nécessitent encore d’être explorés. Si la maternité en tant que crise narcissique développementale ébranle les pathologies limites, du fait même de leur identité fragilisée, les spécificités de leur accès à la parentalité, les relations qui se nouent avec leurs enfants et le devenir de ceux-ci n’ont pas encore obtenu toute l’attention qu’ils méritent. Un bébé impose, par sa présence, une relation constante. Les mères, présentant des troubles états-limites aux affects dysphoriques, menacées par la crainte de l’abandon et l’angoisse du vide interne, sont obligatoirement sollicitées par leur nourrisson. Comment mettent-elles en place des interactions, teintées et/ou marquées par leurs difficultés majeures d’adaptation aux mouvements affectifs suscités par le bébé ?
Les pathologies limites sont le plus souvent regroupées dans la littérature sous l’intitulé de trouble de personnalité borderline. Pour les besoins de cet article, nous admettrons que ces derniers ont des caractéristiques semblables se superposant aux spécificités des états-limites. La discussion sur le concept de troubles états-limites versus la définition sémiologique du trouble de personnalité borderline est hors du champ de cet écrit.
La mise en place de la parentalité borderline : une histoire à scénariser
La naissance d’un enfant implique une lourde tâche pour les mères souffrant de troubles limites ; elles doivent renoncer progressivement à une position infantile alors que leurs possibilités d’identification à des figures parentales sont au mieux clivées, au pire inexistantes,…