En 2012, la Fondation Cartier accueillait l’artiste Yue Minjun pour une exposition nommée L’ombre du fou rire. Le visiteur parisien pouvait y découvrir une galerie saisissante de personnages crispés – yeux clos et toutes dents dehors –, affichant des visages impersonnels et tordus par un rire qui semblait les couper de situations qui les condamnaient à l’inéluctable : exécution, noyade, dramaturgie céphalophorique… Si Minjun avait pris le parti de pousser jusqu’au grotesque les codes de l’« optimisme » imposé en son temps par la propagande maoïste, c’était vraisemblablement pour contourner la censure politique du gouvernement chinois et s’offrir ainsi une chance d’exercer son métier dans son pays. Pour autant, il importe de ne pas nous fourvoyer sur sa première intention de représenter par l’ironie le désespoir existentiel de toute une génération (d’artistes, mais pas uniquement) à la suite des répressions sanglantes des manifestations de Tian’anmen. Difficile pour un psychologue de ne pas sortir quelque peu chamboulé par cette folle expérience, parfois à la limite du supportable, mettant en scène cette « danse » convulsive du rire avec la souffrance humaine…
Pour autant, le psychanalyste – et le clinicien qui se réfère à la psychopathologie psychanalytique – a-t-il quelque chose de sérieux à penser, exprimer et conceptualiser sur le rire venant parfois percer les nuages gris au-dessus de la tête de son patient ? Ce « petit » phénomène psychique d’apparence mineure et tout à fait banale dans nos vies quotidiennes endosserait-il par exemple une valeur particulière en séance, notamment dans la dynamique du transfert ? Saurait-il dévoiler un aspect inédit du rapport du sujet à sa douleur, de la dénégation de celle-ci ou de son dépassement voire, dans certains cas, renseigner sur le fonctionnement des instances psychiques mobilisées dans le travail ? Et le sourire de l’analyste – voire son rire,…
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