Les modes d’interventions cliniques en milieu carcéral impliquent une prise en compte des enjeux propres à l’institution carcérale et à l’institution de soin (hôpital psychiatrique ou hôpital général) auquel est rattaché le clinicien. Un enjeu essentiel est de savoir comment créer des dispositifs d’accueil de la souffrance psychique dans un lieu de contrainte. L’acte transgressif est envisagé comme signe d’un fonctionnement psychique relevant de « pathologies de l’affect ou de l’agir », avec des manifestations du retour d’expériences subjectives précédant l’émergence du langage verbal (R. Roussillon, 2008, p. 32). Dans cette perspective, il apparaît fondamental de proposer à des détenus criminels des dispositifs de soin où l’on ne sera pas en quête de souvenirs bien remémorés, ce qui s’avère impossible dans ces cliniques, mais de sensations, de réminiscences qui reviennent à partir du registre sensorimoteur. C’est un constat majeur avec cette clinique : les expériences primitives, ne sont pas remémorables, car elles ne peuvent pas se constituer en souvenirs, elles restent articulées aux états du corps et aux sensations et renvoient à des traumatismes précoces. Pour prendre en compte la sensori-motricité et l’utiliser comme fond à la construction subjective, le recours à des dispositifs de médiations thérapeutiques sensorielles paraît donc incontournable. Ces formes de langages sensoriels au sens large peuvent être entendues quand elles sont replacées dans une logique de développement de l’histoire d’un sujet.
LE CRIME POUR SURVIVRE AUX HALLUCINATIONS SENSORIELLES
« Je ne contrôlais plus mes actes », « Mon corps agissait tout seul », « C’était comme dans l’exorciste ce qu’il se passait en moi »… Tels sont les mots employés par les patients incarcérés pour décrire leur crime. L’acte se produit dans un vécu hallucinatoire, qui induit un vécu d’étrangeté dans l’après-coup. « Je me souviens du moment avant, de l’après, mais…