Michel Soulé, penseur de l’enfance
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Michel Soulé, penseur de l’enfance

La première fois que j’ai entendu Michel Soulé, dans un colloque où l’on discutait d’un cas clinique, chacun y allant de son explication des troubles dont souffrait l’enfant, il eut cette phrase : « Le coupable, c’est la scène primitive ». Dans cette courte remarque, il s’inscrivait en faux contre les explications simplistes qui fusaient dans l’assemblée, rendant compte de la psychopathologie de l’enfant par les carences ou les incompétences de ses parents réels, il introduisait dans le débat la réalité psychique et il nous invitait à franchir le miroir entre conscient et inconscient. Je ne l’ai jamais oublié.

Peu après, il m’expliqua qu’il recherchait, pour la consultation qu’il dirigeait à l’Institut de Puériculture du boulevard Brune à Paris, un jeune pédopsychiatre, engagé dans une formation psychanalytique personnelle. Je n’ai fait le lien avec ma situation personnelle qu’après-coup, dans une prise de conscience quasi analytique, que cette description me correspondait plutôt bien. Avais-je eu besoin de cet après-coup pour lever des inhibitions devant l’aventure à laquelle il m’invitait ? Franchir le miroir, découvrir la réalité psychique, retrouver en moi l’enfant confronté à la scène primitive ! Je le rappelai pour lui proposer ma candidature. Ce fut le début d’une collaboration étroite de près de dix années, qui se transforma par la suite en une indéfectible amitié.

Il me semble que c’est cette qualité discrète mais profonde de « penseur de l’enfance » qui m’avait séduit chez lui. Sa vie professionnelle, son œuvre scientifique témoignent en faveur de cette  dimension de sa personnalité : penser l’enfance depuis ses origines, son enracinement dans la scène primitive, sa corporéité incontournable, son extrême fragilité et son besoin d’une protection éclairée. Il fut un acteur et un pionnier de la pédopsychiatrie en France, il fut aussi un penseur de l’enfance dans sa réalité concrète comme dans sa réalité psychique.