Cet ouvrage aux apparences modestes et centré sur un sujet précis — l’adolescent difficile —, est en vérité le grand œuvre de Maurice Corcos. Il retrace avec une intelligence et une culture hors normes l’histoire de ces adolescents qui ont été délaissés, trahis, abandonnés par les leurs, et qui dérivent entre le vide intersidéral de leur psyché trouée et la violence d’une musculature pulsionnelle incarnant leur avatar par défaut. Plutôt qu’une angoisse devant les épreuves de la vie, c’est une peur, voire une terreur infantile qui sous-tend leurs conduites et les empêche de trouver des identifications structurantes. Maurice Corcos n’hésite pas à raconter ses expériences, y compris personnelles, pour décrire le parcours de ces jeunes en déshérence vitale et sociale. Leurs trajectoires s’inscrivent dans la banlieue, le lieu du bannissement, où ont échoué leurs parents, rejetés, instrumentalisés par leurs ex-colonisateurs, parqués dans des ghettos pour immigrés et disqualifiés en tant que citoyens potentiels. Le père est absent physiquement et quand il est là, il est absent de lui-même, la mère est déprimée, profondément, et la fonction limitante parentale ne peut jouer en faveur de la civilisation de leurs enfants, puisque tenir cette position nécessite d’occuper une place digne de ce nom. Cette indignité se transmet de façon transgénérationnelle et le résultat est une violence qui éclate à la recherche impossible de sa cause. Cet ouvrage est une occasion de revisiter l’ensemble de la psychopathologie et c’est un de ses aspects le plus fécond. Narcissisme, identifications, répétitions, pulsion de mort et autres concepts fondamentaux de la psychopathologie psychanalytique sont repris pour éclairer le lecteur sur les spécificités de l’adolescent difficile, mais, ce faisant, l’auteur nous entraîne avec lui dans une plongée dans les profondeurs de l’âme humaine. Les étapes de l’individuation-séparation sont décrites avec la précision d’un encyclopédiste, mais…
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