Un outil de reproduction non sexuée pour une maladie A-sexuellement transmise. Désir d’enfant, désir de grossesse, besoin de désir
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Un outil de reproduction non sexuée pour une maladie A-sexuellement transmise. Désir d’enfant, désir de grossesse, besoin de désir

« Vierge-mère impalpable, qui baigne tous les jeunes émois de ces silences gris »

Arthur Rimbaud ; les premières communions. Coll. La Pléiade. Gallimard. Œuvres Complètes. 1992.

« Mères vierges toujours(…) et ce jeune soleil de mes étonnementsMe parait d’une aïeule éclairer les tourments,Tant la flamme aux remordsRavit leur existence,Et compose d’aurores une chère substanceQui se formant déjà substance d’un tombeau »

Paul Valery ; La jeune parque. NRF. Gallimard. Coll. Poésies. 1984.

Les femmes présentant un TCA (Trouble des Conduites Alimentaires) actuel ou passé, prises encore massivement dans le déni actif de leurs troubles, qui ne font pas part aux médecins de leurs difficultés – médecins qui, eux-mêmes, ne font pas parler leurs éloquents silences en ne les évaluant guère suffisamment ou pire font semblant de ne pas voir des symptômes suffisamment démonstratifs – femmes qui enfin demandent et obtiennent sans entretien psychologique préalable (malgré les recommandations de la HAS-Haute Autorité de Santé) d’avoir recours à des techniques de stimulation de l’ovulation (pompes GNRH) et/ou à une assistance médicale à la procréation (AMP) pour lever l’obstacle « biologique » de leur anovulation, secondaire à la dénutrition et à des dimensions psychopathologiques, ne reçoivent le plus souvent qu’une réponse opératoire technique qui risque de conforter les dissociations voire les clivages existants, celui, ancien entre affect et représentation, celui, souhaité et affirmé, entre corps et psyché, et enfin le clivage entre sexualité et procréation qui caractérisent ces troubles.

La prévalence des TCA en Assistance Médicale à la Procréation est 5 fois plus importante que dans la population générale tandis que l’association infertilité et TCA avérés est 2 à 4 fois plus importante que dans la population générale1. Les antécédents de TCA chez les patientes consultant en Assistance Médicale à la Procréation pour infertilité dite « psychogène » (sans étiologie organique actuellement décelable) sont retrouvés dans 23% des cas (16 à 44 % selon les études) contre 3% des cas dans la population générale ; la dépression pendant la maternité n’étant pas un facteur de confusion (Etude de l’IMM2 et de Frezinger3).

Dans l’étude de Sophie Christin-Maitre4 concernant les femmes consultant les endocrinologues pour stimulation de l’ovulation (sans qu’une véritable évaluation des troubles psychiques n’ait été faite), on retrouve des antécédents d’anorexie dans 40,5% ; des antécédents de boulimie dans 5,5% ; des antécédents de végétarisme dans 5,5%, des antécédents de sélection alimentaire dans 52%. Soit au total 100% de TCA, pour 80% de TCA dans l’étude de l’IMM5.

La prise d’une pompe à GnRH6, n’est pas considérée comme une Procréation Médicalement Assistée. Cette stimulation de l’ovulation est très « efficace » puisque le taux de grossesse menée à terme et sans complication particulière est de 92%. A noter paradoxalement que tout en déniant leurs troubles, nombre de patientes souffrant de TCA évoquent la trop grande rapidité de survenue de la grossesse sous GnRH, comme si la perte de la maîtrise corporelle et la concrétisation rapide de la réalité du bébé à naître, venait bousculer des processus psychiques ambivalents ou laissés en suspens. « Je pense que le problème de lutrepulse, c’est qu’on n’est pas préparée à ça. Il faut vraiment avertir les gens que ça marche » ;

« C’est vrai que quand on m’a mis une lutrepulse (la pompe à GnRH, ndlr), oui c’est vrai que j’avais envie d’un enfant, mais je n’avais pas envie d’un enfant tout de suite, et je pense que ça, les médecins ne l’ont pas compris ».

– « Bien sûr que je veux un enfant… plus tard ! Ou…je sais pas…quand j’en aurai envie. (…). Ce n’est pas qu’on n’est pas prêts, c’est que nous, tout ce qu’on veut, c’est être normales et, le jour où on veut avoir un enfant, avoir la possibilité de le faire. »7.

Ces données montrent la façon dont les « troubles » de la fertilité engendrés par les TCA viennent interroger les nouvelles pratiques de procréation, et illustrent le questionnement sur les limites que la société entend (ou non… et laissant alors le médecin seul juge et coupable) fixer à l’utilisation de celles-ci. Pas sûr qu’il soit préparé à cette tâche délicate. Car comment se conduire convenablement, surtout pour un médecin homme (machisme, misogynie, phallocratie, névrose non résolue…) quand la vie d’une patiente-femme souffrant de difficultés psychologiques sévères demande impérieusement à s’arrondir ? Et a fortiori quand elle doit en passer par une assistance médicale à la procréation et qu’elle rattache (promeut) la réussite de celle-ci aux questions de la complétude et du bonheur ? Autant dire qu’elle va stimuler certains fantasmes réparateurs et sauveurs chez certains collègues qui risquent de céder à la tentation sans en mesurer les conséquences.

Un mot sur les termes : certains disent comportement plutôt que conduite et Aide plutôt qu’Assistance. Utiliser le mot conduite (ce qui est notre cas) signifie que le sujet n’est pas totalement conduit par un symptôme qui équivaudrait à un comportement de décharge, qui le conduit (au moins en partie, et au moins au début) psychiquement, de manière consciente et inconsciente, vers d’utiles bénéfices primaires et secondaires. Dès lors nous préférons que le médecin l’assiste psychiquement et concrètement dans l’accession à une nouvelle métabolisation et élaboration de son trouble, plus qu’il ne l’aiderait mécaniquement.

Je n’ai rien contre la science de la procréation… c’est incontestablement un progrès par rapport à ce que Levi-Strauss révélait dans certaines tribus où le chaman accompagnait la parturiente en lui racontant l’histoire des hommes qui montent dans l’utérus pour libérer l’esprit de l’accouchement. Quoique à y bien réfléchir ça ne doit pas être très différent de notre post-modernité parfois. Ce n’est pas faire montre de préjugé contre le progrès de dire que quand la science aborde le domaine de la procréation, elle soulève les questions de la filiation et des nouvelles configurations parentales et familiales. Nous sommes actuellement dans une zone intermédiaire entre des principes anciens (parfois religieux mais qui inscrits dans l’Histoire sont devenus tradition et culture) et des règles nouvelles que nous avons (il faut le souhaiter) à édicter en plus ou moins pleine conscience.

Le panorama des nouvelles techniques de stimulation ovarienne (Pompe GnRH), d’assistance médicale à la procréation, de dons d’ovocytes, de mères porteuses ou gestation pour autrui (GPA), et les demandes de PMA de femmes célibataires8, des couples homosexuels féminins et masculins, et de diagnostic anténatal, ont chamboulé la donne au point que la facilitation aidant, on oublierait presque le mythe du héros tragique de celui ou de celle qui s’engage dans l’aventure de la parentalité. C’est ainsi que Maurice Godelier considère que « si les piliers du temple de la famille bougent, il faut cependant rester calme » et que Marcel Gauchet estime quant à lui que l’enfant serait « deux fois celui du désir » : socialement par le statut qui lui est conféré et techniquement par les conditions de sa conception. Ce qui est dans les deux cas faire fi de l’inconscient en tant que source essentielle du désir, au profit d’un désir volontaire, conscient, pour le moins narcissique et maîtrisé.

Mais avant que ces techniques ne deviennent à ce point courantes qu’elles entrent dans les mœurs et participent à organiser les transactions affectives et sexuelles, et soient dès lors moins l’objet de stigmatisation aux conséquences délétères pour les parents et les enfants, nous ne pouvons pas éluder la crise de conscience individuelle et collective que ces avancées, les noces de la technique et de la filiation, provoquent. Même plus besoin pour les enfants de découvrir les liens entre le désir, la sexualité, les rapports sexuels, le plaisir et la naissance des enfants ; la conception est redevenue un don (et non une appropriation subjective),… non plus du ciel, mais de la science. Et le sexe n’étant même plus disposé à s’exposer pour obtenir son plaisir d’autrui, devient de plus un organe physiologique, bientôt aussi dérisoire que l’appendice. Certes notre identité ne nous appartient pas totalement, car il y a de fait une identification horizontale sociale et générationnelle (qui nous garde de l’hyper-individualisme tribal) en sus de l’identité historique verticale née des identifications croisées aux deux parents désirants, aidant, ou porteurs, identifications conscientes et inconscientes. Mais si cette dimension sociale est relativement claire chez les sujets dits « sains », elle est plus difficilement assimilée par certaines patientes et singulièrement certains sujets souffrant d’anorexie mentale sous-tendues par des troubles narcissiques profonds qui les renvoient au matin de leur histoire transgénérationnelle ; et qu’elles ont à gérer avant que d’oser la rencontre avec l’altérité, qui plus est dans la peur du trauma sexuel.

L’adolescente anorexique est à bien des égards une étrange beauté florale qui avance vers le médecin en perdant elle-même ses pétales, une narcisse (par nécessité) quelque peu « perverse » (par défense) qui « manipule » et sollicite l’appétit de celui-ci à « reféconder » la reprise des processus de maturation, à redéclencher la floraison… mais l’interroge aussi sur sa vocation non seulement soignante mais aussi démiurgique. Il vient un jour, brutalement et sans prévenir qu’elle (son corps) se trouve « dotée » sans y avoir été suffisamment préparé du plaisir génital et du pouvoir d’engendrement. Mais au prix d’une nouvelle vie avec un nouveau corps et, l’épreuve de la peur du trauma sexuel à traverser. Et voilà que toute cette fertilité accumulée est parfois accablante… ce corps élargi par le poids comme pour accréditer l’obligation prochaine d’accueillir un nouveau corps et de devenir mère. C’est le féminin assumé dans sa sexualité à l’adolescence, la caresse plaisante d’un autre que la mère, qui fait sortir la fille de l’enfance et la sépare de sa mère : « (il faut aimer et jouir9) “ailleurs” » disait Bérénice.

Nous verrons que concernant la patiente anorexique en demande de PMA, il ne faut pas confondre besoin et désir ; désir de grossesse et désir d’enfant, et ne pas oublier un ressort central à ces besoins-désirs de grossesse et de maternité… les facteurs psychologiques tant conscients qu’inconscients. Et de fait si l’éclosion pubertaire est auto-avortée dans l’anorexie, c’est que la pollinisation et la germination première n’a pas totalement eu lieu. Aussi, l’anorexique est-elle beaucoup plus en difficulté que la jeune hystérique trop séduite et qui re-sollicite le pouvoir fécondisant de l’homme10 en confondant excitation et amour. Si le médecin se laisse moins souvent mollir face à la femme hystérique dont il redoute la passion, il ne s’autorise pas à être suffisamment ferme face à la demande d’une fille si manifestement en détresse. Oubliant que la passion n’est pas moindre d’être précoce et retenue, et qu’une demande froide et tranchante laisse moins d’inquiétude qu’une quête chaude et ambivalente. Chez ces patientes narcissiques la question centrale est celle de la peur du débordement (par défaut de contenance) de l’excitation pulsionnelle. Le travail titanesque de contrôle et de maîtrise de cette peur via la conduite anorexique génère la peur de la contre-attitude hostile exercée par l’autre (familial et soignant) face à l’effroi de la « monstration » du symptôme. Malgré la défense anorexique (à base de contre-investissement de son avidité par une conduite d’ascèse) la patiente ne parvient pas totalement à s’apaiser faute de pouvoir transformer la sensation excitante en affect lié à une représentation dans le champ du désir, puis en émotions et sentiments, et enfin en symbole et métaphore. Et faute d’accepter de « décharger » cette excitation dans une sexualité autre qu’endogène, réprimant toute rencontre avec l’altérité et régressant à des activités autoérotiques pré-génitales.

En découle, ultime défense face à cette peur du débordement pulsionnel et/ou émotionnel, matérialisé par la crainte profonde quasi-délirante de grossir ; toute une série de clivages comme autant de digues face au déferlement de l’excitation, entre corps et psyché, affect et représentation, et in fine… entre sexualité et procréation.

Ainsi peut advenir la demande d’une maternité sans sexualité, issue d’une jeune femme, toujours et à tous les égards jeune fille (mère vierge11 à la chair innocente et à l’âme coupable… non de crimes sexuels mais de remords liés à sa sexualité infantile) donc encore dépendante de sa propre mère dans un œdipe négatif, ou aliéné à un contre-œdipe paternel actif, et qui perpétue une histoire ancienne de troubles alimentaires. Histoire qu’elle habite à son corps défendant, plutôt qu’elle ne s’approprie la sienne en ne devenant pas femme avant que mère. Elle passerait directement d’enfant à mère avec donc un maintien d’une sexualité infertile psychiquement si ce n’est physiquement. Surtout elle ne parviendrait pas ainsi à être sa propre mère, c’est-à-dire à s’occuper maternellement de l’enfant qu’elle a été, ce qui lui permettrait de s’occuper maternellement de l’enfant à naître. Il est sûrement plus facile d’être mère si on a bénéficié d’une enfance heureuse où on a pu être suffisamment longtemps un enfant.

Le risque en est la dépression durant la grossesse et le post-partum (30% des cas) donnant le tableau d’une femme non habitée par une présence interne, telle la figuration des mères sous forme de maisons inhabitées par Louise Bourgeois ; mères dont la psyché est assimilable à un terrain vague aux visages creusés par des yeux aveugles tels des fenêtres vides. Mères ralenties, impalpables ; c’est-à-dire ne se laissant pas toucher et, silencieuses, c’est-à-dire ne pouvant libidinaliser (rêver-chanter) la « chère substance », le corps infantile qu’il faut transformer en chair vivante, et ceci faute de pouvoir réactiver une expérience infantile suffisamment bonne avec leurs propres mères. On pense aussi aux travaux de Monique Bydlowski, qui soulignent que le processus de maternité s’ancre dans les phases très précoces du développement et s’appuie sur la reconnaissance intérieure de la mère qu’on a eue et du bébé qu’on a été, avec tous les aléas possibles liés à ces deux versants : « Et je savais que le lien allait me faire prendre conscience de ce lien que je n’avais déjà pas à la base avec ma mère ». « Je me suis dis là que moi qui ai attendu ça inconsciemment voilà j’allais voir comment elle (sa mère) allait être avec le bébé. »12.

Le risque suivant est de perpétuer le trouble alimentaire par contamination émotionnelle trangénérationnelle et contre-investissement en emprise chez l’enfant à naître, surtout si c’est une fille13.

Plusieurs interrogations se posent à des degrés divers selon les différents cas.

  1. L’interrogation sur l’existence ou non d’expériences charnelles de la féminité, incarnée et assentie plutôt que seulement mentalisée et consentie. Certaines patientes demandent et obtiennent une PMA en affichant leur absence de sexualité et/ou en exhibant un conjoint « fonctionnel ».
  2. Rencontre avec l’altérité dans la sexualité : désir et passivité dans le rapport charnel pénétrant représentent des menaces pour l’intégrité narcissique du sujet vulnérable en tant que c’est l’excitation devenant désir et s’adressant à un objet, qui génère l’expérience de dépendance et, que le vécu d’assignation à une passivité totale face à son avidité objectale menaçante pour le narcissisme fait craindre à la patiente l’absorption puis la confusion (comme si il n’y avait pas eu antérieurement de frontière ontologique dans les champs d’exercice et d’amour transcorporel entre mère et enfant). Engrenage fantasmatique inquiétant qui mène la patiente à l’abandon de sa liberté affective pour la logique mathématique du symptôme.
  3. Rencontre associée – ou non – à l’expérience de la jouissance éprouvée par et avec un autre plutôt que jouissance endogène auto-érotique liée biologiquement à la sécrétion de bétaendorphines cérébrales secondaires à la dénutrition associée à l’hyperactivité. Auto-érotismes mentaux plus que charnels et non nourris de l’objet externe, mais enfermés dans un huis-clos incestueux.

Maternité : fantasme d’enfant – enfant du fantasme

On peut être en désaccord (la modernité l’est de plus en plus…) avec ce que la psychanalyse a réussi à soulever concernant les interrelations précoces mère-enfant. L’enfant, ce Je est un autre familier et étranger – il est fascinant (de se voir soi-même au miroir du visage de l’enfant) est aussi inquiétant en tant qu’il génère le don de soi dans la « folie maternelle primaire », et la « censure de l’amante ». Rêver d’un autre (cet enfant) comme jamais… jusqu’à le faire exister n’est pas donné à tout le monde : relation passionnelle d’amour et de désamour (il y a de multiples raisons physiologiques de détester son enfant selon D. Winnicott) ; le langage du corps né des échorythmies et échotactiles, le premier rythme, la première langue ; la première maison, le paradis perdu ; l’humanisation et l’hominisation, lieu de la perpétuation de l’espèce et genèse de la civilisation. La femme est bien le destin de l’humanité en tant qu’elle enfante : relation mère-enfant suffisamment incestueuse, et « sublimée » ; parexcitation de la tentation érotique adulte comme optimale protection de l’amour maternel ; le passage au père qui permet aux affects générés par le corps à corps avec la mère d’accéder à des représentations tempérées, de par son rôle différenciateur, diffracteur, contextualisateur. Sans ce passage (geste… adressé affectivement à un autre et non acté au père), il y a défaut dans la liaison affect (né de l’Eros avec la mère) et représentation (née de l’interprétation-traduction par le père différenciateur de cet affect en image mentale tempérée).

On pense aux travaux de Freud concernant la mère pré-œdipienne, l’imago maternelle14, dont il va falloir se détourner pour que la féminité et la sexualité adviennent, et dont les qualités fonderont le désir d’enfant et son engendrement et enfantement suffisamment tempérés. L’ambivalence des patientes souffrant de TCA vis-à-vis de la grossesse s’exprime dans l’un des symptômes cardinaux de ces troubles à savoir l’aménorrhée qui peut précéder dans 1/3 des cas et pendant longtemps le début de la dénutrition, et demeure très fréquemment présente et ce durablement après la reprise pondérale, témoignant de son caractère non uniquement physiopathologique mais aussi psychosomatique : « J’ai besoin de contrôler, et justement cette étape hormonale ça m’énerve ».

L’aménorrhée condense chez les patientes le fantasme d’être enceinte psychiquement (fantasme boulimique d’être déjà grosse de leur excitation non contrôlée et gainée en pulsion et désir) et d’être stérile (de ne pas avoir d’utérus). D’être donc inapte à toute féminité ou maternité. L’aménorrhée est aussi défensive (inconsciemment) contre la crainte de la sexualité et le fantasme de grossesse débordants, suractivés par la naissance des premiers émois et des premiers désirs. Les cliniciens confrontés aux anorexies de l’adolescence, savent l’évocation par ces patientes (et au travers de la figuration d’enfants et de mères en atelier d’ergothérapie) de fantasmes de grossesse en creux (sans sexualité) associé à celui d’être stérile par absence de développement de l’appareil génital. Fantaisies-écrans protectrices du fantasme d’un risque permanent de grossesse de nature psychique et incestueux. Ces fantasmes de stérilité sont aussi rassurants quant à la protection contre les représailles maternelles en lui laissant son statut de domination seule maîtresse-femme de la maison. Troisième bénéfice non négligeable : rester l’enfant idéal de la mère, conflit de loyauté apaisé mais payé au prix coûtant d’une communauté de détresse avec elle, et de l’entrave à toute identification (utile recours-secours de la tierceité) au père… et ce d’autant plus que celui-ci est absent de la psyché maternelle et que la mère souffre elle-même de TCA. On conçoit ici alors la voie de dérivation ouverte vers un fantasme de grossesse incestueuse, moins dans le cadre d’une problématique œdipienne simple positive, que dans le champ homosexuel négatif…avec conciliation d’un fantasme parthénogénétique sur plusieurs générations. Et l’on conçoit aussi que l’expérience de la grossesse, vécue dans l’angoisse d’une altérité naissante, puisse réactiver les vicissitudes des processus de séparation-individuation dans l’enfance avec l’objet maternel primaire.

La réalisation de ces fantasmes15, grossesse psychique contrôlée plus que charnelle dans le cadre de la PMA, s’apparente alors à une véritable « fuite dans la guérison ». Et l’effondrement dépressif majeur (30% des cas), ou les décompensations de la personnalité (70% des troubles anxieux) dans le post-partum, rappellent aux somaticiens trop pressés que la suppression du symptôme opéré par leur « traitement », sans offre soignante d’une défense psychique de substitution, affaiblit la résistance du sujet.

Périnatalité

C’est dans l’intervalle entre désir de grossesse et désir d’enfant que va ou non se déployer le travail psychique périnatal, qui évidemment convoque aussi les conflits infantiles non-résolus et la chaine inter et trans-générationnelle. Les patientes souffrants de TCA, entravées dans leur problématique narcissique, seraient en difficulté pour reconnaître l’enfant en tant que sujet différencié non menaçant et pour lui apporter des soins suffisamment contenants (Winnicott) ou une capacité de rêverie suffisamment créatrice (Bion) afin que le nourrisson éprouve son propre espace de continuité d’existence. Elles lutteront contre cette défaillance (dont elles ne sont pas coupables, elles ignorent comment l’imaginer et le faire, l’ignorent ne l’ayant pas vécu elles-mêmes) par un contre-investissement en emprise. Par ailleurs, le bébé est un puissant objet addictif et donc un potentiel rival du trouble : « Ça va être difficile pour moi de laisser place à cet enfant, de laisser mes addictions ». Ce qui permet peut-être d’expliquer la sédation des troubles alimentaires pendant la grossesse (volonté acharnée de ne pas lui nuire en le déprivant) et leur ré-exacerbation dans le post-partum (au moment de la séparation). C’est cette aggravation post-natale qui associée à une dépression sévère (majeure dans 30% des cas) peut être à l’origine de distorsions interactives précoces : « Je pleurais, on pleure pour rien, on a l’impression qu’on se sent seule, on se sent pas à la hauteur et puis…on est triste de ne pas être heureuse, je pense que c’est ça en fait ».

Distorsions qui entraînent dans ¼ des cas des troubles du développement chez l’enfant.

Difficultés du travail psychique chez les mères souffrant de TCA, déni des troubles et de leur impact sur l’enfant, fond alexythimique voire mélancolique, exacerbation de l’investissement en emprise avec difficulté de différenciation, relations passionnelles avec ce je est un autre à la fois étranger et soi-même et qui devient donc pôle d’amour-haine… l’une des composantes étant à la mesure de l’autre et réciproquement. La haine étant la continuité de l’amour, mais avec l’adjonction d’une possible maîtrise de l’objet dont l’amour devenait aliénant. La période sacro-sainte de la grossesse et de la maternité dans ces conditions est tout sauf simple.

Procréation assistée : le Saint-Esprit de la science

Alors la question qui s’impose est la suivante : pourquoi le refus ou l’impossibilité d’une maternité classique et le choix ou le non choix d’une procréation contrôlée ? Pourquoi la précipitation des Pmistes à l’enclencher sans respecter les délais requis et sans demander un examen psychologique préalable ? Peur du débordement du fait d’une avidité dévorante et maîtrise parfois jusqu’au sentiment de toute puissance. Certes… mais maîtrise de quoi ? De fait et toujours de la même « chose » dans les TCA ; cette « chose », la « chose » freudienne qui s’est déplacée sur cette substance émotionnelle qu’est l’alimentation : le désir et en deçà la pulsion sexuelle. Ce désir qui s’exprime dans l’élan charnel et qui réprimé peut aboutir à un shunt de la sexualité génitale… et que l’on observe en particulier chez certaines patientes victimes d’abus sexuels dans l’enfance et chez d’autres patientes homosexuelles ou a-sexuelles.

A noter qu’il n’est pas si simple de se « débarrasser » du désir et de la sexualité génitale, et que ceux-ci peuvent être déplacés dans certaines formes d’anorexies limites dans une sexualité régressive prégénitale orale et anale et/ou comportementale perverse sado-masochique pouvant conduire…jusqu’au masochisme moral. Masochisme moral qui réalise dans le fantasme, l’union incestueuse, soit la non séparation, mère-enfant. A noter aussi que les patientes souffrant de TCA sont très fréquemment déprimées ; la dépression d’ordre narcissique et anaclitique avec risque de décompensation mélancoliforme étant contrôlée par le trouble alimentaire et d’autres addictions, véritables armes d’une lutte antidépressive permanente. L’essence de cette dépression est l’émoussement jusqu’à la perte de désir pour soi et pour le monde. Le désir c’est d’avoir en soi une place, un espace, un lieu, une chambre, une niche, un creux pour l’autre… et de désirer le désir de l’autre (ici de l’homme… puis l’enfant) pour soi. Cette place pour le désir de l’autre est pré-occupée, obérée, obturée ou impossible à consentir de crainte que cet autre passivise et confusionne le sujet et l’aliène. La place est occupée par un vide (d’objet interne), remplie du plein de ce vide antérieur (omniprésence de l’absence de l’objet interne maternel, témoin de la vitalité de, et tuteur du développement) à l’origine de l’affection, et il y a dès lors moins ici désir d’un enfant avec un autre, que besoin d’un enfant pour soi : complément narcissique, et/ou thérapeutique : « j’ai fait ce bébé pour donner sens à ma vie, pour augmenter mon estime personnelle ; j’ai fait cet enfant pour être comme tout le monde ; j’ai fait ce bébé pour moi, s’il n’y avait pas eu mon mari j’aurais continué. » ; « J’avais peur de ne pas pouvoir donner un enfant à mon mari, c’est surtout pour lui que je fais ça (…) c’est lui qui le voulait le plus, donc il faut qu’il la porte »

Vient alors l’autre élément de réponse quant à ce choix instrumentalisé d’assistance… à savoir pour le dire rapidement et trop simplement : « faire un enfant toute seule » ou plus complexe « faire fantasmatiquement un enfant avec X ou Y », père ou mère… au travers de la science. Celle-ci autorisant tous les fantasmes. Quoiqu’il en soit, les familles monoparentales réelles ou fantasmées sont un facteur de risque des plus importants pour l’émergence de difficultés – troubles-affections psychologiques chez l’enfant tant elles suscitent chez celui-ci de questionnements : quelle est la représentation de l’enfant dans la tête de la mère ? ; dans la tête du père ? ; quelle est la place de l’enfant dans le système de représentation individuel et aussi celui commun des parents ? ; dans quelle histoire, celle du couple générationnel et celle des couples transgénérationnels possible, entre-t-il ?

Si la mère anorexique fait un enfant toute seule et développe une relation passionnelle avec sa fille en miroir plus ou moins inversé de celle qu’elle a entretenue avec sa propre mère – « Et je savais que ce lien allait me faire prendre conscience de ce lien que je n’avais déjà pas à la base avec ma mère »16, c’est de fait elle seule qui déclenche toute l’histoire. Difficile dès lors pour l’enfant de fantasmer un désir commun voire une union charnelle du couple, à l’origine d’un clivage des imagos parentales d’où peut découler un clivage-affect représentation à l’origine du sentiment de vide et de l’alexithymie.

Risque alors pour l’enfant à naître de rester dans les rails du destin des femmes-mères de cette famille, avec difficulté de séparation-individuation et TCA et d’entrer dans la ronde. Choix paradoxal d’une patiente de la PMA : « Justement pour rompre ce chemin de famille, de génération en génération, justement pour casser ça », qui néglige la part opposée inconsciente dans cet acte et qui se trouve répété dans le réel ce qu’elle veut éviter. Mais le chiffre 2 qu’impose la famille monoparentale est dramatique en ce qu’il ne propose qu’un face à face narcissique tandis que le chiffre 3, celui de la triangulation classique père, mère, enfant, autorise toutes les diffractions que permettent les identifications croisées. Inutile de dire ici que le chiffre 3 peut être composé de deux hommes ou de deux femmes et un enfant.

Fonction paternelle

Selon Elisabeth Badinter : « Ces Techniques de reproduction minimisent de plus en plus la participation masculine ». On peut donc avancer avec Gérard Pirlot : « qu’en minimisant la fonction paternelle et en diminuant l’accès (symbolique, social, physique) au père, la post-modernité conduit l’individu à souffrir de ne plus pouvoir arrimer ses angoisses et ses pulsions destructrices à cette imago paternelle devenue sans visage et sans force, laissant seul Narcisse devant lui-même et une imago maternelle, par ce fait, renforcée.

Avec cette diminution de la fonction symbolique du père, ce sont ainsi les capacités de symbolisation des émotions et des pulsions, des liens affectifs entre les individus, comme entre les représentations cognitives elles-mêmes, qui sont dangereusement compromises. Dès lors tout ce qui est compliqué, à savoir étudier, différer le plaisir, tolérer la frustration (l’amour et la présence d’une imago paternelle forte n’étant plus là pour « contrebalancer » cette frustration) limiter la toute puissance infantile et narcissique, tenir compte de la réalité sexuelle de l’autre, de son altérité, devient problématique. Tout ce qui relève d’une contrainte, contrainte qu’incarne d’abord le père dont la fonction introduit au monde scolaire, social et symbolique, se trouve de moins en moins toléré dans l’organisation psychique de nos enfants, adolescents et nombre d’adultes contemporains ».

Conclusion

L’utilisation des techniques d’AMP par certaines patientes anorexiques souvent réticentes à communiquer leurs symptômes (quand elles ont les moyens psychiques de reconnaître comme tels leurs conduites) est incontestablement une façon de contourner la prise en charge de leur trouble psychiatrique. Les enjeux ici sont médicaux mais aussi éthiques et politiques. On pourrait argumenter que la constatation de la cooccurrence d’une infertilité et d’un TCA devrait donner lieu au traitement de ce TCA préalablement à tout traitement symptomatique de l’infertilité : ne serait-ce que du fait de l’importance pour la mère et l’enfant de la rééquilibration nutritionnelle et de la normalisation, comportementale de l’alimentation, qui devraient favoriser par ailleurs l’amélioration de la fertilité et diminuer le risque de complications. Ceci impliquerait alors qu’une demande d’Assistance Médicale à la Procréation dans un tel cas devrait donner lieu à un report d’une telle prise en charge, sinon à un refus au moins temporaire. Pour autant la conjonction de la réduction naturelle de la fertilité avec l’âge et les incertitudes des résultats de la prise en charge psychiatrique des TCA illustre bien la difficulté éthique de certaines situations de demande d’AMP par des femmes souffrant de TCA. Une position radicalement différente qui contribuerait avec bon nombre d’autres positions sociétales, à nous faire passer dans un autre monde, serait d’entériner officiellement le découplement de la pratique de l’AMP d’une part et de la prise en charge d’un TCA d’autre part. Dans cette logique, qui correspond au moins en partie à la clinique actuelle, mais aussi à une certaine idée aujourd’hui couramment véhiculée du « droit à l’enfant pour tous » ainsi qu’à la pression sociale pour une émancipation des patients vis-à-vis du pouvoir médical, la demande d’une femme de contourner les conséquences d’un TCA via l’AMP et d’instrumentaliser cette technique serait légitimée. Au prix des conséquences somatiques et psychiatriques pour la patiente, l’enfant, la famille au cours de la grossesse, de l’accouchement, et surtout après.

Soulignons, bien évidemment que notre proposition d’assister ces patientes passe par le respect de la femme que la patiente devient mais refuse, récuse, ou retient. Respect d’une femme dans son désir de mère, mais en pleine conscience de son désir corps et âme. Si la femme, n’en déplaise à Ferrat et en accord avec Brel, n’est pas individuellement l’avenir de l’Homme, elle est bien le destin de l’Humanité, elle qui enfante, tandis que l’homme engendre autant qu’il détruit. Il faut donc la protéger en toute circonstances, y compris d’elle-même…lorsqu’elle est prise au piège de son insuffisance et qu’elle y répond narcissiquement.

La technique de stimulation ovarienne par pompe GnRH et l’Assistance Médicale à la Procréation sont incontestablement des avancées majeures si elle ne sont pas utilisées à mauvais escient et ne versent pas dans l’instrumentalisation au service du déni des troubles de la part des patientes, et dans une pratique excessive servant le déni là encore mais aussi la tentation d’omnipotence avec, chez certains collègues, des fantasmes de réparation face à ces femmes en détresse, et, chez d’autres, la satisfaction d’intérêts financiers. En saisissant mieux la complexité du tissage des relations entre mère et enfant dans ces conditions particulières, nous pourrons sensibiliser les professionnels au désarroi de ces femmes et mieux les guider vers des actions préventives et curatives précoces sans que ne soit remis en cause leur désir de procréer et leur capacité à être mère… mais pas dans n’importe quelle condition. Tant les risques pour la mère, l’enfant et la famille sont grands. Autrement, favoriser chez la patiente (et le couple) la fonction de méconnaissance du symptôme anorexie, entre refoulement pathogène et clivage du moi aux effets mutilants, contribue à laisser hors de portée d’une élaboration psychique potentielle, un pan entier de la vie affective absolument fondamental pour débuter une parentalité de qualité. Car d’une part le lien affectif transcorporel mère-enfant, la distillation du féminin via le maternel est le médium de l’attachement, il n’y a pas d’attachement et donc de sécurité sans « suffisamment » d’intimité assentie et non contrôlée. D’autre part, le féminin de la mère (dont le développement a été court-circuité ici) est ce qui sépare la mère de l’enfant… tant il est vrai que la mère pourra bientôt en le rééprouvant (levée de la censure de l’amante), redevenir femme pour un autre, l’objet d’amour avec qui elle a conçu d’avoir charnellement un enfant – le père. Faute de cette reprise érotique et dans le cadre d’une conception purement narcissique sans désir, sans sexualité, sans père,…ou avec un père géniteur fonctionnel maîtrisé, la non-séparation mère-enfant (enfant extension narcissique de la mère, part d’elle-même à laquelle elle est dévolue d’autant qu’elle l’a conçue « toute seule » pour qu’elle lui appartienne) va pérenniser la problématique de dépendance à l’origine de l’anorexie. Maternité-perpétuité car alimentée par un fantasme parthénogénétique.

Cette mère demeure psychiquement et plus ou moins physiquement (anorexie pré-pubère), l’enfant de sa mère (elle laisse ainsi intact la relation à l’objet idéalisé). Elle n’a pas connu peu ou prou la sexualité, le plaisir, la jouissance avec un homme extérieur à la famille (ce qui sépare et permet de fonder dans le champ du désir une autre famille). Son corps en tant que source de goût et de plaisir, deux affects qui dépassent l’équilibre physico-chimique reste anorexique machinique performant, et ne pourra développer une relation transcorporelle suffisamment érotique et affective, imposant peu ou prou une relation blanche, pure, avec dégout de la chair et du plaisir. Autrement dit, faire un enfant toute seule, par besoin narcissique et/ou conformité sociale…, s’engendrer dans un « comme les autres » en faux-self, dans un autodidactisme sans nourriture extérieure autre que technique opéré par un prestataire de service, est le terreau des troubles psychologiques de l’enfant : ¼ de troubles du développement si on observe un épisode dépressif majeur maternel durant la grossesse et/ou le post-partum ; et une maternité dans ces conditions n’est pas non plus bénéfique pour la mère, tant il est vrai qu’une mère-vierge peut difficilement à son corps défendant être une maman : « La frigidité triomphante se condamne à la célébration de son propre néant17 ».

Si l’intervention des « psy » périnatalistes est « suffisamment bonne » à ce moment-là charnière qu’est le vœu d’une maternité pour une patiente anorexique et n’est pas vécue comme celle de prêtres masqués qui s’arrogeraient de dicter un nouvel ordre moral, il y a alors une opportunité majeure pour la patiente de transcender sa psychopathologie alimentaire, le devenir mère étant un élément central pour parer au risque morbide d’évolution chronique vers une identité anorexique…d’emprunt ou pire de substitution.

Quoiqu’il en soit :

  • Des psychiatres en maternité et en Assistance Médicale à la Procréation pour une action préventive précoce chez l’enfant, et un accompagnement maternel qui lui permet de saisir l’opportunité qu’est la maternité pour avancer sur l’élaboration de son anorexie adolescente.
  • Et puisque c’est « le bébé qui emmène la mère chez le pédiatre », formation à la vigilance de ceux-ci aux antécédents de TCA maternels. Les psychiatres savent que ces patientes psychophobes évitent la psychiatrie, sauf au moment où ça n’est plus possible : l’adolescence. Soit un retard conséquent de la prise en charge que l’adressage des pédiatres devrait pouvoir diminuer.

Notes

  1. Frezinger M. (2010). « The prevalence of eating disorders in infertile women » in Fertility en Sterility, 2010 ; 93 (1) : 72<-8.
  2. Nicolas. I. (2009). « Désir d’enfant et Adolescence Anorexique » in Désir d’Enfant, Paris, PUF, 2009, p 85-100.
  3. Frezinger. M. (2010). « The Prevalence of eating disorders in infertile women ». In Fertility and Sterility, 2010 ; 93 (1) : 72-8.
  4. Christin Maitre S. (2007). « Pregnancy outcomes following pulsatile GnRH treatment : Result of a large multicenter retrospective study » in J. Gynecol Obstet Biol Reprod 2007 ; 36 (1) : 8-12.
  5. Barbosa I. ; Pham-Scottez A. ; Corcos M. : Submitted 2017.
  6. Hormone secrétée par l’hypothalamus, qui stimule l’hypophyse, qui secrète LH ET FSH, qui stimulent les ovaires et provoquent l’ovulation.
  7. Thèse de psychologie d’Irema Barbosa sous la direction de Maurice Corcos. Paris V-R. Descartes, 2016.
  8. Accord du comité d’éthique de l’AMP pour les femmes célibataires et les couples homosexuels féminins. Juillet 2017. Le gouvernement va suivre.
  9. C’est nous qui rajoutons.
  10. Question centrale : La femme veut aimer et être mère ; l’homme redoute d’être père. Le besoin d’enfant, d’être mère est plus ou moins intense (facteur culturel) chez la femme, le père lui freine plus volontiers. Comme si chez l’un la maternité complétait le sujet et l’installait dans une temporalité « éternelle », tandis que chez l’autre, l’homme, elle (dans le fantasme) l’amputait d’une part de sa virilité et était annonciatrice de sa mort. L’enfant est-il le plus souvent né du besoin-désir des deux amants-parents, du seul besoin-désir de la mère (famille monoparentale), essentiellement du désir de la mère …sollicitant un attachement toujours plus profond dans tous les cas avec elle (son corps).
  11. On se rappelle que la mère vierge a pris la place en occident de la figure mythique de la louve, à la fois maternelle, sensuelle et cruelle. Mère-vierge de fait (psychique) toutes les mères sont vierges pour leurs enfants. Et puis il y a Marie pour ceux qui veulent ou qui ne peuvent que croire à la double immaculée conception (catholiques…puis les protestants et l’église russe orthodoxe) et qui en font leur religion. Je n’ai rien contre Marie la Sainte Vierge, à l’heure où tous les fondamentalistes brisent les effigies de la vierge, la mère universelle des chrétiens et des musulmans. Bien au contraire en tant que modèle de bienveillance, de calme et de protection, elle est toujours d’un utile secours. Mais je rappelle que c’est une histoire, un mythe qui a donc remplacé (une) un autre histoire et un autre mythe ; et c’est surement à beaucoup d’égards une inestimable progression que celle d’être encore sous l’emprise des Dieux mâles (Chronos le dévorateur de ses enfants, Zeus l’érotomane impénitent). Car attention à ce qui se cache derrière, plus en amont : les déesses mères archaïques cannibales tout aussi mangeuse d’enfants et qui ne sont ni plus ni moins que les imagos maternelles pré-génitales. Et c’est ainsi qu’en deçà l’œdipe positif et l’œdipe négatif, il existe des forces d’anorexies de type psychose blanche où l’aliénation aux deux parents suscite des fantasmes d’autoengendrement, nécessitant le meurtre symbolique, mais aussi incarnée dans le corps de l’adolescente, de ses deux géniteurs dans une tentative de sauvegarde par désaffiliation.
  12. Thèse : Irema Barbosa ; ibid. op. cit.
  13. Activant les affres de la spécularité en abyme dans la chambre des miroirs.
  14. C’est l’imago maternelle plus que la mère réelle qui est combattue dans l’anorexie par crainte d’être possédée par son emprise.
  15. Nonobstant le besoin-désir d’être enceinte pour voir « si mon corps peut fonctionner comme celui de ma mère », … « pour avoir quelqu’un de qui m’occuper plutôt que de moi et différemment » ; Il y a donc favorisé par la science : a) Le père – le fantasme d’un père élu : Dieu ; son père ; les grands-parents… Ainsi une patiente (cinq enfants par PMA) : « Si il n’avait pas été là (le mari) j’en aurais eu plein d’autres tellement je me suis bien épanouie enceinte ». C’est l’impatience de la petite fille de l’Œdipe, plus l’excitation du père, qu’on sent poindre derrière l’urgence d’avoir un enfant (seule) et aussi contrecarrant la fin de l’horloge biologique chez la mère (ne peut plus en avoir) qui pourrait provoquer chez sa fille une angoisse d’être castrée : si pas d’homme rapidement, risque de soumission au surmoi maternel qui ne veut pas qu’elle devienne mère quand elle, la mère, ne le pourra plus. b) La mère – le fantasme de parthénogenèse : soit le mode de reproduction de certain dieux et de certains animaux (fantasme de relation avec les dieux de l’enfance…le père…ou la mère). Cf. la Sainte Anne au Louvre.
  16. Thèse : Irema Barbosa ; ibid. op. cit.
  17. Amélie Nothomb (2005). Métaphore des tubes. Coll. Livre de poche.

Bibliographie

Corcos M. (2000). Le corps absent. Approche psychosomatique des troubles des conduites alimentaires. Coll Psychismes sous la direction de D. Anzieu, 1ère éd., Editions Dunod.

Corcos M. (2011) Le corps insoumis. Psychopathologie des troubles des conduites alimentaires. 2e éd., Coll Psychismes sous la direction de D. Anzieu. Editions Dunod.

Corcos M., Lamas C., Pham-Scottez A., C. Doyen (2008). L’Anorexie mentale : Déni et réalités. Ed.Doin.