Violences et tendresse dans la civilisation
Éditorial

Violences et tendresse dans la civilisation

On pourrait penser que parler d’une pouponnière avec des aides puéricultrices, des psychologues, un pédiatre conduise à des évocations tendres, douces et paisibles. et bien pas du tout. Il est question de la confrontation quotidienne à la violence difficile à endiguer, celle d’abord, la plus choquante, des enfants qui agressent et s’agressent. Il s’agit ensuite de la violence faite à nos institutions par le pouvoir politique qui ne raisonne qu’en termes de financement et ne comprend pas que c’est à la crèche ou en pouponnière que tout commence et qu’en maternelle les jeux sont déjà bien avancés. Puis le débat continue par la violence des réglementations administratives et/ou hiérarchiques qui méconnaissent les besoins des petits et des soignants. Il est, pour finir, évoqué la violence des idées qui fait qu’au nom de la croyance en l’une d’entre elles, nous n’écoutons plus nos collègues et les petits enfants…

Dans notre pratique, nous rencontrons la violence de la vie psychique : violence de la vie pulsionnelle, violence des instances psychiques les unes vis-à-vis des autres, violence du refoulement et du retour du refoulé, violence de la rencontre avec l’objet. Nous la reconnaissons dans l’espace de l’intersubjectivité des générations, des familles, des groupes, des institutions voire de certains états. Nous devons y repérer l’enjeu de l’Odipe et ses effets organisateurs ou ce qui se passe en son absence et la destruction qui s’y associe. Parmi toutes ces violences nous avons à distinguer la nôtre et celle de l’autre, celles qui proviennent des désirs de vie et des désirs amoureux et celles engendrées par les composantes meurtrières de la pulsion de mort.

Alors où serait la tendresse dans notre civilisation ? Je l’ai vue se faufiler dans les soins des nurses de Lóczy, dans le regard de Bernard Martino tournant son film, dans les câlins faits par mères et pères. N’est-elle pas aussi présente chez les amoureux des bancs publics chers à Prévert ? La tendresse serait, d’un côté, sublimation d’une partie de la séduction généralisée (pourquoi les mères chantent-elles en berçant leurs enfants ?) et, d’un autre, dessaisissement d’une partie du désir de protection généralisée qui peut-être enfermement dans le lien d’emprise par le « défenseur » tout puissant.