J’aimerais vous raconter les premiers entretiens au travers de deux histoires : celle d’une peinture célèbre et celle d’un garçon de neuf ans, Victor. La Parabole des aveugles se trouve dans un musée à Naples. L’histoire de Victor s’est passée dans un coin lointain. Pierre Bruegel, dit l’Ancien, illustre dans son tableau un passage connu de l’Evangile : le peintre tend à montrer l’homme entraîné aveuglément vers son destin, sans aucune échappatoire, dans une nature indifférente, d’une douceur presque révoltante.
Lorsque je vois Victor pour la première fois, dans la salle d’attente, il tient avec force, par la main, son père, appuyé sur des béquilles. Impressionnée par cette scène, je les invite tous les deux dans mon bureau. Le père s’inquiète pour Victor car il a été témoin de la tentative de suicide de sa mère. Les parents de Victor sont séparés depuis six ans. Victor vit avec sa sœur chez leur mère. La mère est dépressive depuis bien longtemps et ses parents s’occupent autant d’elle que de ses propres enfants. Le père des enfants les voit de temps en temps. Un jour tout ce dispositif vole en éclat. Les grands-parents sont absents. Les enfants souffrent d’une angine. La mère est en rage et les enfants appellent leur père au secours. Le père propose à la mère d’amener les enfants chez lui, le temps que l’orage se calme. La mère acquiesce. Mais juste après leur départ, elle se met sur le rebord de la fenêtre du 3ème étage. Comme dans les films, la police et les pompiers arrivent et faute d’autres moyens (ils n’utilisent plus le filet de sécurité mais ils ne pensent pas à la bonne vieille couverture…) ils dessinent un périmètre “de sécurité” (disons “de la mort”) et écartent tout le…