Une nouvelle collection vient de naître chez Éres, Thema/Psy. Elle a pour objectif « un éclairage très personnel sur une notion … dans un langage clair et accessible ». Dans cet esprit, trois publications simultanées l’ont très récemment inaugurée : Aux origines du processus créateur d’Anne Brun ; En scène au psychodrame de Roger Perron ; Fonction phorique, holding et institution de Pierre Delion.
De ce premier triptyque prometteur, c’est de l’ouvrage de Delion dont j’aimerai témoigner ici. Quand j’ai fait mes débuts en CMP, il était de bon ton de critiquer l’impétrant en lui faisant remarquer que son usage de l’expression de « prise en charge » était décidément inappropriée et inélégante pour décrire son quotidien. La noble tache de consultant ou thérapeute d’un patient, d’une famille n’était pas compatible avec cette expression synonyme de pesanteur chez un soignant condamné à être plus haltérophile que maïeuticien de l’âme !
A l’inverse de cette pensée désincarnée et idéalisante, c’est le grand mérite du livre de Pierre Delion que d’ancrer résolument la fonction soignante dans une véritable phénoménologie du « portage » parental de l’infans puis de celui du soignant du patient. En grec ancien phorein signifie « porter » et c’est autour de la colonne vertébrale de la « fonction phorique » que l’auteur va bâtir « dans un langage clair et accessible » « un éclairage très personnel » de cette notion originale.
D’abord, il s’agit pour Pierre Delion de dégager le portage de son aura d’angélisme et, en la matière, le roman de Michel Tournier, Le roi des aulnes (1970), est une source abyssale de paradoxes et de complexités. Dans son ouvrage rétrospectif sur ses écrits (Le vent paraclet, 1979), Tournier écrit de ce roman : « l’ombre de Saint Christophe, porteur et sauveur de l’enfant, c’est le roi des aulnes, emporteur et assassin d’enfants ».…