La secrétaire dans une unité de pédopsychiatrie
Dossier

La secrétaire dans une unité de pédopsychiatrie

Spécificité du travail dans une unité spécialisée dans la prise en charge du trauma en pédopsychiatrie

Au sein de notre unité1 , nous essayons d’offrir un espace d’accueil pour la mise en récit de vies émaillées d’évènements traumatiques. Les contextes qui amènent les familles et les enfants à notre consultation résonnent avec la violence, le chaos et l’injustice. Nous recevons des enfants, parfois placés, issus de milieux précaires dans lesquels s’additionnent les difficultés, qu’elles soient sociales (liées au logement, à la situation financière du foyer…), psychiques et/ou somatiques. Notre service est en effet placé au cœur du département de la Seine Saint Denis (93), connu pour sa grande précarité et exposé à une forme de mise à la marge. Selon le dernier rapport sur la pauvreté publié en décembre 2022, 17,7 % des habitants de Seine–Saint-Denis vivent sous le seuil de pauvreté, soit avec moins de 940 euros par mois. C’est le département le plus pauvre de France métropolitaine, selon le rapport de l’Observatoire des inégalités. Les données démographiques sont alarmantes : 5  600 enfants et adolescents sont placés dans le cadre de l’Aide Sociale à l’Enfance, pénurie de professeurs dans les établissements scolaires, contrainte de tri dans la prise en charge des enfants dans les services de pédopsychiatrie. En tant que professionnels du soin, notre lutte et notre engagement se situent dans l’acte éthique et clinique de redonner à un service hospitalier sa fonction première de refuge face à une réalité sociale caractérisée par un manque de moyens.

D’emblée, nous présupposons chez nos patients un vécu de l’ordre de l’indicible. C’est bien d’ailleurs la voie d’entrée au sein de notre unité : quelque chose de grave s’est passé. C’est l’évènement en lui-même, marqué par sa brutalité, qui les amène vers nous avant même que les familles aient parfois pu penser l’apparition des symptômes. Il nous faudra alors arriver à entendre le sujet et ses spécificités, derrière la tyrannie de l’évènement obstruant parfois le sujet dans la rencontre. 

Les enfants, et le cortège d’évènements qu’ils ont vécus, que nous accueillons à l’UPPS peuvent sidérer, déprimer et cliver les thérapeutes qui y travaillent. Pierre Fédida convoque « la monstruosité du clinicien » dans ce type de clinique : « Lorsqu’un patient nous raconte des choses dont il explore l’horreur, nous avons à nous soumettre à ce défi de l’imagination, pour que précisément soit maintenue la reconnaissance du semblable. Sinon je refais l’acte de la disparition». La symptomatologie de ces enfants peut se révéler très bruyante à travers des symptômes post-traumatiques à vif (éléments dépressifs et dissociatifs entre autres), mais aussi sous la forme de tableaux plus dysharmoniques. Face à la déliaison, effet du traumatisme, il nous faut nous rassembler en équipe pour penser ces prises en soin. Notre équipe pluridisciplinaire est composée de pédopsychiatres, psychologues, psychomotriciens, assistante de service social et secrétaire. Par ailleurs, nous accueillons régulièrement des internes et stagiaires. Nous disposons de plusieurs bureaux de consultations, d’une salle pouvant accueillir des groupes à visée thérapeutique, d’un secrétariat et d’une salle d’attente. 

Pour pouvoir travailler avec ces enfants, il faut pouvoir penser l’institution qui est la nôtre, celle dans laquelle nous les rencontrons. « Il n’y a pas d’enfants sans institutions. L’enfant va avec une institution, qui est la famille ou tout ce qui vient à cette place : la bande, la rue, la loi de la cité, les instances3 ». Ainsi, de notre place, nous tentons de prendre le relai sur certaines dimensions de la vie de ces enfants : nous œuvrons à la reconnaissance d’une vie psychique, et à offrir une possibilité de mise en mots plutôt qu’une mise en acte, dans des contextes d’enfances traumatiques. 

L’accueil par la secrétaire

Certains enfants que nous recevons viennent plusieurs fois par semaine rencontrer des professionnels différents, dans des cadres spécifiques (psychothérapies, consultations familiales, prise en charge de groupe). Nous avons beau être un service de « consultations en ambulatoire », l’accueil des patients ne relève pas du seul temps des rendez-vous. Chaque professionnel, chaque fauteuil de la salle d’attente et chaque couloir y participent. Notre propos vise à préciser la fonction d’accueil dans l’unité et sa résonance dans les espaces de soin de thérapeutes.

Dans des contextes de violences intrafamiliales, de passage aux unités médico-judicaires, d’intervention de l’aide sociale à l’enfance, il est parfois difficile pour les familles de se représenter que nous sommes un lieu de soin et que notre accueil y est donc différent. La secrétaire est le premier point de contact avec les familles, les enfants et les partenaires quand ceux-ci appellent ou viennent. Si les parents ou accompagnants ne se sentent pas entendus lors de cette première rencontre, le travail thérapeutique pourrait être fragilisé. Par le regard, un timbre de voix, une question, une relance, un silence, notre secrétaire nous dit tenter d’établir un « climat de détente et de confiance » : cela concoure à travailler ce qui fait souffrir la famille. Si certains sont très logorrhéiques et déversent leur histoire lors de leur demande de soin, d’autres sont presque mutiques. Notre secrétaire insiste : « il ne faut pas trop leur poser de questions ». Sa première écoute implique qu’elle puisse  « gérer ses émotions, mais aussi s’en protéger ». Le respect de l’intimité de chacun est plus que jamais un enjeu au moment de la rencontre. Au fur et à mesure, elle développe sa capacité à « pouvoir rester forte sans vivre les épreuves traversées par les patients ». Pour elle, « c’est un devoir de se retenir face à eux ». 

La qualité de la confiance réciproque des équipes et des patients dans la secrétaire apparaît donc comme un élément central dans le lien à l’institution. La secrétaire écoute ainsi aussi finement que possible pour transmettre ensuite aux thérapeutes ce qu’elle a perçu. Dans ce qu’elle entend, il lui faut notamment évaluer l’urgence de la situation. Ces éléments du discours de telle mère ou de telle tata peuvent-ils attendre la prochaine réunion d’équipe ou faut-il prévenir rapidement le responsable d’unité ? 

Un jour, le secrétariat reçoit l’appel d’une mère qui se dit réfugiée dans sa chambre, terrifiée à l’idée que son fils âgé de 6 ans la frappe. Elle explique avoir tenté d’interpeller différentes institutions, mais n’avoir jamais été prise au sérieux : comment pouvait-elle avoir aussi peur d’un enfant si petit ? En prêtant attention à la détresse de cette femme, la secrétaire sent qu’il faut oser aller à en parler à un collègue médecin. C’est à partir des premiers ressentis cliniques de la secrétaire que le pédopsychiatre a alors proposé un rendez-vous très rapide à cette mère et à son fils. Les entretiens ont permis par la suite de travailler, au long cours, les problématiques complexes de cet enfant et de sa famille. 

Dans l’étymologie du mot accueil, on trouve les racines de «  collecter », « cueillir », mais aussi de « mettre en route ». La secrétaire propose une mise en route du sujet vers les espaces de soins, mais aussi vers une reconnaissance de la subjectivité. En déposant le contenu des appels et des échanges informels auprès du reste de l’équipe, elle peut renouveler sa disponibilité pour les nouvelles rencontres : « ce que j’entends, je le transmets et je me délivre ainsi du poids de l’information ». Elle accueille la demande, mais elle sait que l’engagement dans un suivi dépend d’une décision institutionnelle. C’est les thérapeutes de l’équipe qui s’engagent dans les suivis. La secrétaire est partenaire du soin, assurant par sa disponibilité une certaine continuité. Elle se sent mobilisée par les sollicitations des enfants que nous accueillons. 

Pour autant, l’accueil ne relève évidemment pas seulement de la mission de la secrétaire, c’est une disposition qui est l’affaire de tous. Quelle place occupe la secrétaire dans l’équipe pluridisciplinaire et au sein des prises en charge ? Quelles sont ses modalités d’accueil ? 

La constellation transférentielle, récemment remise en lumière par P. Delion4, désigne « l’ensemble des personnes qui sont au contact avec un patient présentant une pathologie archaïque ». Penser la place, le rôle, les missions et les effets de la présence et du travail de la secrétaire au sein de notre unité est donc plus que jamais nécessaire. La façon avec laquelle nous allons penser et aménager notre unité doit permettre à l’enfant de trouver un support temporel, spatial afin de l’aider à se sentir contenu et à se structurer psychiquement. C’est un travail indirect porté par l’institution, qui est moins palpable, mais qui peut avoir des effets à vertu thérapeutique. Les moments passés avec la secrétaire deviennent, dans cette logique, des temps de mise au travail.

La secrétaire, pilier de la fonction phorique

Au secrétariat et dans la salle d’attente se concentrent les arrivées, les départs, l’attente entre deux rendez-vous et donc les séparations et les changements d’ambiance. 

Porte qui s’ouvre, porte qui se ferme : le secrétariat est le lieu où se re-trouvent patients et soignants. Dans cette valse, notre cheffe d’orchestre dirige : quel patient pour quel thérapeute à quel rendez-vous en fonction du jour. Elle supervise le rythme des rencontres, des allées et venues, elle ponctue les rendez-vous. Elle incarne cette continuité, connaît l’emploi du temps des enfants et la répartition de leurs rendez-vous sur la semaine. Face à une clinique où le Réel fait sans cesse effraction, y compris dans le cadre thérapeutique, nous faisons l’hypothèse que le secrétariat est un lieu où panser certains points de souffrance pour les patients et pour les thérapeutes.

Le secrétariat réactualise par définition les traces des expériences précoces de chacun. Or, nous savons que les transitions sont des temps particulièrement sensibles pour ces enfants carencés et en souffrance. Le secrétariat devient alors un lieu où peut se diffracter le transfert et s’apaiser l’intensité émotionnelle des consultations. L’exemple du groupe « Marionnettes5 » du jeudi éclaire ce propos. Chaque semaine, quatre patientes viennent accompagnées par leur transporteur (ambulance) et arrivent souvent en avance d’une quinzaine de minutes. Un pré-groupe s’est alors institutionnalisé « malgré nous » auprès de la secrétaire. Alors que les ambulanciers les déposent et repartent immédiatement, la secrétaire porte un regard et une vigilance sur les participantes au groupe. Lisa, patiente de 9 ans s’installe à l’intérieur même du secrétariat, sur un petit bureau et sollicite avidement la secrétaire. Les trois autres sont dans la salle d’attente : elles chahutent, elles crient, elles s’esclaffent. La décharge psychomotrice et émotionnelle est palpable. De la salle d’attente se dégage un brouhaha, à tel point que les thérapeutes du groupe ont envie de rebrousser chemin. Pour autant, une fois la porte de la salle passée, elles apparaissent toutes les quatre disponibles pour le groupe. Nous posons l’hypothèse que le secrétariat sert alors d’enveloppe, où peuvent se libérer des éléments archaïques et bruts avant de pouvoir entrer dans le groupe. Un travail en partenariat avec les ambulanciers a permis qu’ils patientent désormais avec les participantes du groupe, afin de limiter la violence des vécus de lâchage et de rendre un peu d’autonomie à notre collègue. Le secrétariat et ses annexes deviennent un espace transitionnel, une « troisième aire », nous dit Winnicott. Situé entre la réalité extérieure et la réalité interne, entre le dedans et le dehors, entre la consultation et l’ailleurs, il s’y potentialise des vécus d’autonomisation et de séparation.

Ainsi, il est évident que la secrétaire propose un certain portage aux enfants que nous recevons et participe alors à la fonction phorique de notre institution. Son portage, à l’interface des différents espaces de soins, participe à la structure même de nos prises en charge. Il fait partie de notre cadre de travail.

Au secrétariat se rejouent également des dynamiques d’empiètement et d’intrusion. Le jeudi, tous les thérapeutes sont présents : c’est le jour de la synthèse et des co-consultations. Le bureau de la secrétaire est alors sans cesse dérangé : les thérapeutes rentrent et sortent, ils empruntent si ce n’est subtilisent les stylos, outils de leur collègue, ils gribouillent leur signature sur un coin, ils replacent l’agrafeuse à l’endroit des post-its et les post-its à l’endroit des tampons. Ils font le point entre deux consultations, discutent et réfléchissent. La secrétaire peut froncer les sourcils ou parfois même demander un peu de calme. Dans les moments de grande agitation, elle peut ne « plus se sentir à sa place et avoir du mal à s’y retrouver dans tout ce qu’elle a à faire ». Toutefois, elle insiste : ces allées et venues des thérapeutes dans l’espace du secrétariat sont également une garantie pour ne pas être seule face à la massivité des situations. C’est aussi des occasions pour entendre parler de l’évolution des enfants dans les différents espaces de soin. Indirectement, la secrétaire peut suivre le déroulé des prises en charge et se sentir apaisée. 

Une place pour la tendresse dans ce monde d’éléments bruts

Ce lieu sécurisant a plusieurs effets dans le cadre que les thérapeutes peuvent proposer. Par exemple, nous pouvons recevoir par moment les parents seuls et nous imaginons que ces expériences peuvent se montrer inquiétantes pour les enfants : « Que va-t-il être dit pendant mon absence ? ». Nous savons alors que les enfants peuvent attendre patiemment au secrétariat ou dans la salle d’attente, sous les yeux protecteurs de la secrétaire. L’articulation du travail entre secrétaire et thérapeutes vient permettre à l’enfant de supporter ce moment, de le traverser et souvent d’y prendre de « bonnes choses ». Cela permet de border les vécus de lâchage et d’abandon potentiels. Elle peut proposer un gâteau et un jus, mais aussi occuper l’enfant en lui proposant un coloriage et ainsi offrir un peu de tendresse6

Notre collègue secrétaire constate que tous les enfants ne s’approprient pas ce temps de la même façon. Alors que certains enfants préfèrent attendre dans le secrétariat, d’autres choisissent la salle d’attente. Certains demandent des collations, des coloriages tandis que d’autres ne demandent rien. Cela peut entre autres venir nous donner des indications sur la possibilité pour l’enfant d’adresser une demande à l’autre. Le secrétariat et ce qu’il s’y passe peuvent donc devenir un outil de travail.

Pris dans des mouvements d’empathie, face à la violence des situations, les thérapeutes peuvent être traversés par des envies de dons et de réparations. Comment les comprendre ? Est-ce thérapeutique ? S’agit-il de tentatives de réparations illusoires des préjudices liés au traumatisme ? Comment travaillons-nous en incluant la question du don dans les prises en charge ? Savoir que cela peut se passer au secrétariat peut nous éviter d’entrer dans une position toute-puissante et dévorante dans l’espace des psychothérapies ou des consultations. Nous ne sommes pas là pour remplir là où il y a du manque, nous ne sommes pas là pour réparer là où il y a eu violence. La secrétaire, par ses possibilités différentes d’intervention auprès des enfants, nous permet alors de ne pas imposer nos inquiétudes et projets pour eux : nous pouvons lutter contre les « bons sentiments » dans nos espaces. Sa présence fait tiers dans la consultation.

Gâteaux et coloriages donnés par le secrétariat permettent également aux thérapeutes d’être moins parasités (savoir que l’enfant a eu un goûter c’est savoir qu’il n’a pas faim) et ainsi de se dégager d’éventuels acting de réparation concrète, dans le cadre de la séance. La question du désir des soignants dans notre unité est centrale dans le transfert. Une jeune patiente, qui a parlé de son passage au « sucr-étariat » à sa pédopsychiatre, évoque sans aucun doute les encas sucrés, mais bien évidemment la richesse de l’accueil de notre secrétaire. Simone Korff-Sausse, dans son travail sur des enfants en situation de handicap, évoque à la fois la difficulté massive de s’identifier à l’enfant, de reconnaître du semblable, mais également « une identification massive et profonde à l’enfant blessé. L’enfant qui risque d’être abandonné. L’enfant à sauver. Ce bébé  malheureusement perdu, rejeté, que chacun porte en soi7 ». Enfants comme professionnels viennent se restaurer auprès de la secrétaire.

Pour Lisa*, qui arrive toujours avec son propre goûter pantagruélique, il n’est pas question pour la secrétaire de lui refuser un gâteau. Très soucieuse de l’équité entre les enfants : Lisa veut un don « comme les autres ». D’une part, nous avons dû réfléchir ensemble pour contourner cette injonction tyrannique, pour que son temps passé au secrétariat puisse lui offrir autre chose. Comment Lisa peut-elle trouver du « bon » au secrétariat sans que cela passe par le goûter ? Quelle place pour le goûter ? Venir à une consultation, faire un voyage vers un savoir sur soi et sur l’autre lié à un voyage émotionnel et sensoriel ? D’autre part, nous avons pris le temps de répondre aux questions du secrétariat : comment assumer de refuser à Lisa un goûter ? Notre collègue, aux prises avec des vécus de culpabilité, nous interpelle sur ce point : « comment puis je donner à un autre enfant et pas à elle ? ». À nouveau, nous constatons combien la possibilité d’un travail et d’une réflexion à plusieurs permet d’aménager le cadre et de permettre aux professionnels d’avoir confiance dans leur positionnement. Il est ensuite devenu clair pour notre collègue que refuser un goûter à Lisa ne relève pas d’une discrimination, mais bien d’un positionnement clinique.

Nos réunions d’équipe et nos journées institutionnelles nous amènent à relever aussi bien la démesure que l’absence de limites auxquelles ont été livrés les enfants que nous recevons. Pendant les réunions, il n’est pas rare d’observer des mouvements de stéréotypies chez certains professionnels, une paralysie du corps pour d’autres et plus rarement des défenses maniaques. Il est assez naturel de se sentir pétrifié dans un univers marqué par la passivation extrême des sujets que nous accueillons et face à la brutalité de leurs expériences précoces. D’ailleurs, les enfants peuvent apercevoir les thérapeutes grignoter des gâteaux avant ou après une consultation auprès de la secrétaire. Nous avons un gâteau commun, même s’il n’est pas dégusté ensemble, et le même lieu pour nous ressourcer. C’est en effet le seul endroit où les soignants de notre unité peuvent venir se reposer. 

Le secrétariat est alors un lieu vivant marqué par une mise en mouvement permanente, dans lequel les professionnels vont volontiers se restaurer et chercher un peu de tendresse.

Conclusion 

Dans une clinique aussi extrême que celle de notre unité, la secrétaire devient actrice du soin proposé aux enfants. Loin d’être une réflexion exhaustive, nous avons tenté de penser son cadre de travail et son impact sur nos prises en charge.

Le secrétariat, la salle d’attente et la disponibilité de notre secrétaire viennent faire un lien entre les espaces et entre les différents éléments qui peuvent être déposés auprès du médecin, du psychologue, de l’assistante sociale et de la psychomotricienne. L’ambiance impulsée par la secrétaire nous rappelle que la vie est toujours là, offrant un prolongement sécure entre les différentes expériences faites en consultations. Elle fait fonction de repère pour nos patients, parfois de refuge, mais également de remobilisation du vivant et de la libido. Proposant un regard bienveillant, une oreille attentive ou un gâteau pour désamorcer une situation ou simplement une présence, elle est la garantie d’un accueil du sujet.

De plus, auprès d’elle, des angoisses, des demandes et de multiples sollicitations émergent dans un véritable tourbillon. Elle est exposée à des cris, des larmes, mais aussi à des demandes de tendresse des familles et des soignants. Sans cesse dérangée dans son activité, soumise à l’imprévu de la clinique, la qualité de son portage infuse dans les espaces des thérapeutes. Elle reçoit l’intensité traumatique des situations que nous recevons, il revient à l’équipe de prendre soin d’elle en retour. Nous ne pouvons que partager ici les « merci » qu’elle reçoit à profusion de la part des familles. 

Pour conclure, nous ne sommes pas que des professionnels, mais bien des sujets en situation de travail. Sans une mobilisation personnelle active et intense, nos fonctions seraient vides de substance. Nous ne recevons pas que des patients, mais des sujets en situation de souffrance. Notre subjectivité, colorée par notre engagement éthique et moral dans la clinique, vient rencontrer la subjectivité des enfants et de leurs familles. C’est à cette condition qu’une mise en route d’un travail psychique est possible.

Notes :

1. Unité de pédopsychiatrie spécialisée dans la prise en charge du psycho traumatisme, CHI Robert Ballanger, Aulnay-sous-Bois.  

2.  Fédida P. Humain/déshumain, Paris, Puf, Petite bibliothèque de psychanalyse, 2007, p. 25 

3. Institution du fantasme, fantasmes de l’institution, Eric Laurent, Les feuillets psychanalytiques du Courtil.

4. Delion, P. (2022). La constellation transférentielle. Érès.

5. Groupe ayant lieu chaque jeudi, animé par deux psychologues et l’interne du service. Confection de marionnettes et mise en scène.

6. L. T. Tovmassian (2020). Tendresse et attachement. Au cœur du travail psychanalytique avec le traumatisme. In Press

7. Korff-Sausse S., Le miroir brisé, Paris, Calmann-Lévy, 1996, p. 48.

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