Le transfert, ça coûte cher !
Éditorial

Le transfert, ça coûte cher !

Des psychologues inscrites à l’Institut de Psychanalyse de Paris, réagissent aux nouveaux modèles de prise en charge qui restreignent la diversité des offres de soin. à vouloir aller trop vite, n’en perdent-ils pas l’essentiel ?

De nombreux professionnels du soin psychique estiment que les récents dispositifs de santé, tel MonPsy, témoignent d’une préoccupation louable d’accès aux soins, mais surtout d’une logique de rapidité quasi magique du traitement. 

Cette vision comptable engage une conception de la souffrance psychique, certes reconnue, mais naïvement abordée à coup de recettes qui ne tiennent compte ni de son étiologie, ni de la nature du psychisme qu’elle envahit. La temporalité psychique se voit balayée au profit d’une temporalité gestionnaire, au mépris du transfert qui nécessite du temps, et donc coûte cher. 

Comment pourrions-nous prétendre nous, psychologues cliniciennes qui nous formons à la pratique psychanalytique, que ces dispositifs relèveraient du soin ?

Certains pensent « c’est déjà ça, on peut dire plein de choses en 8 séances ». Or nous savons que ce n’est pas dire qui soigne. C’est d’être écouté par une personne formée à saisir et à rendre compte de la singularité psychique qu’elle perçoit. C’est se sentir accueilli avec l’idée qu’il ne s’agit pas seulement d’exprimer sa souffrance mais aussi d’intégrer les expériences qui en sont à l’origine. Ce qui soigne, c’est de disposer du temps de les rejouer et de les symboliser dans la relation transférentielle. Ce n’est pas de fournir un nombre de séances prédéterminé par l’administration. 

Les systèmes de catégorisation portés par la vague du tout standardisé échouent à rendre compte de la dynamique psychique, car ils évacuent la relation transférentielle. Or, celle-ci révèle la dimension inconsciente des symptômes et constitue le moteur de la transformation qui permet la réorganisation psychique.

C’est dans l’écoute de la singularité de son discours que se perçoit l’empreinte de la subjectivité d’un individu. Dans la rencontre, professionnels et patients vont au-delà de l’étiquette diagnostique. En lien l’un avec l’autre, ils élaborent un soin.

L’attaque du cœur de ces pratiques fragilise toujours plus le service public et cible aujourd’hui les libéraux, pressant insidieusement chacun à se départir de la complexité élaboratrice au profit de soins automatisés. 

La dimension vivante de nos métiers repose sur un cadre efficace, façonné à partir d’observations cliniques, d’élaborations théoriques qui ont fait leurs preuves et continuent à évoluer. Une écoute de la vie psychique, à son rythme, avec ses complexités et contradictions, qui laisse la possibilité d’un processus de transformation, n’est-ce pas ce qui libère de la souffrance ?