Ancien élève de l’ENS, psychologue clinicien et psychanalyste, Benjamin Lévy se propose d’étudier, dans un ouvrage ambitieux mêlant approches psychanalytique, psychosociologique, anthropologique et philosophique, les différents modes de revendication à l’ère du néolibéralisme et de l’hypermodernité. Ouvertement engagé, l’auteur se positionne en défenseur d’une « éthique de la revendication vivante » et soutient les « revendications démocratiques », par opposition aux revendications mortifères qui — facilitant l’embrigadement dans des groupuscules fascisants ou des sectes dépersonnalisantes — conduisent à la négation et à la destruction de l’autre comme de soi-même. L’auteur appelle donc de ses vœux l’instauration d’une culture du « dissensus » distincte des appels à mener un conflit violent ou à combler une « soif de vengeance » (p. 31), car elle se situerait du côté de la sublimation.
À bon droit, B. Lévy rappelle que vindicare, en latin, signifie « réclamer à titre de propriété », mais aussi « tirer vengeance » (p. 78), mettant en lumière le noyau de haine qui préexisterait à toute revendication, fondée sur un préjudice initial (réel ou imaginaire) impliquant réparation. La paranoïa sert ainsi à la fois de modèle et de contre-modèle pour sa théorisation, qui met en évidence les points de jonction entre paranoïa et mélancolie. Il aurait pu être intéressant de partir également du modèle hystérique de la revendication phallique ou du défi pervers, toute revendication s’exprimant par rapport au pouvoir.
L’auteur montre que les revendications insatisfaites, engendrant la frustration, peuvent se changer en « sentiment d’humiliation » voire en « esprit revanchard ». Ce point est étudié à travers l’exemple bien croqué de Donald Trump, revendiquant le « droit de réécrire l’histoire » (p. 215). Cette tendance au négationnisme, au déni de réalité, se voit encore accentuée sous l’influence des réseaux sociaux, gangrénés par les « faits alternatifs ».
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