«Les hommes sont parvenus si loin dans la domination des forces de la nature qu’avec l’aide de ces dernières il leur est facile de s’exterminer les uns les autres jusqu’au dernier. » Les dernières pages du Malaise dans la culture (1929) sont particulièrement sombres. Comment ne pas immédiatement associer « l’extermination jusqu’au dernier », évoquée par Freud, avec la « solution finale » mise en œuvre par les nazis quelques années plus tard ? Mais autant « l’extermination des hommes entre eux » a des accents prémonitoires, autant l’image d’une nature dominée par ces mêmes hommes semble en opposition avec l’actuelle soumission de l’humanité au désastre écologique. Commentant le monde qui l’entoure, Freud est sans illusions : l’heure politique, écrit-il depuis son exil à Londres, est « tendue et sans joie entre communisme et fascisme » et promet une « régression vers une barbarie préhistorique ». Personne, par ailleurs, ne songerait à lui reprocher de ne pas avoir anticipé les malheurs actuels de la nature, tant la prise de conscience en est beaucoup plus tardive.
Les dangers de la nature aux sources de la culture
Si Freud n’a pas été plus devin que ses contemporains quant à l’avenir écologique, on trouve néanmoins chez lui, principalement dans L’avenir d’une illusion et le Malaise dans la culture, certaines formulations concernant la nature qui résonnent fortement avec notre actualité. Nulle trace chez lui du couple édénique, en vogue au XVIIIème siècle, du bon sauvage et de la nature bienfaisante. La nature, écrit-il, « nous met à mort, froidement cruellement, sans ménagement aucun… C’est précisément à cause de ces dangers dont la nature nous menace que nous nous sommes rassemblés et que nous avons créé la culture ». Il poursuit : la « tâche principale de la culture… nous défendre contre la nature ». Quand bien même personne « ne cède…