Ce texte reprend en partie l’introduction de notre ouvrage Exilés de l’intime La médecine et la psychiatrie au service du nouvel ordre économique, Roland Gori, Marie-José Del Volgo, Paris : Denoël, 2008.
La vie est jusque dans ses aspects les plus intimes, à chaque époque de la civilisation, en étroite interaction avec le sens que l’époque impartit à la mort. Notre conception de la vie, notre conception de la mort, ne sont que deux aspects d’un seul et même comportement fondamental.
L’œuvre de sépulture se révèle constitutive de l’humanité dans l’homme. Elle ne se réduit pas à enterrer les morts. L’œuvre de sépulture se révèle comme une manière de s’y prendre avec la mort, mais la mort au cœur même de toute vie. Notre manière de mourir - autant que notre façon de nous y prendre pour accompagner les vivants en train de mourir - révèle le relief anthropologique d’une culture.
L’accompagnement des mourants et l’œuvre de sépulture sont passés, comme l’écrit Norbert Elias, « des mains de la famille, des parents et des amis dans celles de spécialistes rémunérés.1 » Ce changement dans nos pratiques sociales ne résulte pas seulement de raisons techniques ou scientifiques. La médecine sociale et la santé publique notamment se sont développées en France avec l’expansion des structures urbaines et les nouvelles conditions d’existence que la ville impose. Michel Foucault attribue la nouvelle façon de célébrer un culte des morts à l’émergence d’une police politico-médicale de la société moderne2. Cette nouvelle technologie « médicale et politique » de « gestion » des morts et de la mort constitue…