Dans le champ de la criminalité, la politique gouvernementale française affichait une ferme volonté de renforcer les formations de qualité afin de développer des stratégies transdisciplinaires en matière de traitement des sanctions, de prévention et de répression. En avril 2012, la section 75 de criminologie était officiellement créée avant d’être dissoute quelques mois plus tard, le 6 août 2012, ce qui donnait lieu à des échanges passionnés au sein de la communauté universitaire taxée de trop traditionaliste par certains, refusant de soumettre la recherche et la formation à des stratégies politiques pour d’autres. Les profonds désaccords reposaient sur le choix d’une épistémologie dont la méthodologie serait conduite par la transdisciplinarité, c’est-à-dire par une analyse globale du phénomène criminel, et non sur une complémentarité interdisciplinaire entre des disciplines différentes composant le champ de la criminologie…
En paraphrasant Georges Clémenceau, nous serions tenté de considérer que le fait criminel est une affaire beaucoup trop sérieuse et grave pour être confiée aux seuls criminologues. Peut-être faut-il accepter précisément une diversité de points de vue, position encline à appréhender l’irréductible complexité des affaires humaines, c’est-à-dire pour reprendre les propositions d’E. Morin, penser l’articulation entre le sujet et l’objet de la connaissance, penser les liens indissolubles entre ordre et désordre, aborder les phénomènes humains en prenant en compte les interactions, les phénomènes d’émergence, d’auto-organisation et surtout penser l’événement dans ce qu’il a de créateur, de singulier et d’irréductible.
La connaissance du fait criminel nécessite des approches et des méthodologies diversifiées pour donner relief et perspective aux effets écrasants d’une clinique qui sidère, déroute, fascine, mais demeure profondément humaine tout autant qu’inaccessible.
La présentation de ce dossier est motivée par le souhait de pouvoir apporter une contribution aux réflexions cliniques actuelles impliquant la prise en charge et la connaissance des « logiques de la subjectivité » dans le champ de la criminalité. Le parti pris reste celui de saisir les modes d’organisation de la pensée et les logiques subjectives parfois bien délicates à repérer et à comprendre. C’est ainsi que les textes regroupés dans ce numéro permettent d’apporter un éclairage historique, clinique et conceptuels, soulignant aussi bien la singularité des pratiques cliniques qui se réfèrent aux « logiques » criminelles que des propositions théoriques articulant les modalités de prise en charge et d’évaluation des sujets délinquants et/ou criminels.