« Je ne blâme pas celles qui oublient, je les admire comme des natures fortes, nécessaires ; mais j’ai l’infirmité du souvenir !… »
S’il existe une psychologie de la mort ce ne peut être qu’une psychologie de la mort psychique : mort psychique du sujet par la désorganisation, la dépersonnalisation, mort d’autrui en soi par le désinvestissement, relativement rare, meurtre de l’autre par le « meurtre d’âme » pour reprendre l’expression de Léonard Shengold venue du Président Schreber ; la mort de l’autre par le meurtre quittant le domaine de l’élaboration psychique pour celui du passage à l’acte.
Nous allons envisager ici un aspect particulier de meurtre de la mort de l’autre en soi : l’embaumement par l’organisation d’une position nostalgique. La perte d’une personne par rapport à laquelle une part essentielle du fonctionnement psychique s’est organisée, entraîne une désorganisation importante, une dépersonnalisation parfois terrible qui oblige l’esprit à un travail de lutte contre celle-ci. Le psychisme a trois solutions possibles : le deuil, la dépression ou la nostalgie.
La dépression s’organise autour d’un astre froid, l’ombre de l’objet perdu, dont il ne reste plus que les traces mnésiques perceptives. Cette ombre est érigée en objet de substitution que le sujet surinvestit du plus vif de ses forces psychiques ainsi réorganisées autour de ce nouvel objet psychique, virtuel celui-là. C’est ce mode de fonctionnement qui donne son unité aux différents aspects de la dépression. L’objet nucléaire de la dépression est le résultat d’un traitement psychique particulier appliqué à l’objet perdu qui en fait un « objet dépressif », et non un objet de deuil. Il ne s’agit pas d’un « mauvais objet » mais…