Depuis les années 40, les psychothérapies font partie de la culture américaine. Mais ce sont les thérapies behavioristes qui sont les plus pratiquées et les seules reconnues comme valides. Un psychothérapeute non behavioriste peut être un psychanalyste, un psychologue clinicien, un travailleur social sans formation spécifique ou bien un coach qui exerce en donnant conseils et soutiens actifs.
Il n’existe pas de statut du psychothérapeute aux USA. Pour pouvoir pratiquer des traitements individuels en institution comme en privé, il faut obtenir une autorisation officielle de l’état dans lequel le thérapeute est installé. Un niveau de doctorat, et la preuve d’un pratique clinique, supervisée par un professionnel déjà reconnu par l’administration américaine pendant au moins 2 ans, sont requis pour obtenir l’autorisation de passer un examen de Licensing, qui fait le tour des données scientifiques les plus récentes en psychiatrie, psychologie, neurologie. La réussite à cet examen donne l’autorisation de voir des patients. Il faut réévaluer régulierement les connaissances pour prolonger cette autorisation. Les psychothérapeutes qui ne peuvent obtenir le droit de passer l’examen de licensing et qui ne peuvent pas être reconnus par les sociétés de psychanalyse, ont entrepris de créer un statut spécial de psychanalyste.
Un examen de licensing en psychanalyse vient d’être créé, source de conflits intenses avec les instituts de psychanalyse appartenant à l’API qui y voient une autorisation légale de pratiquer l’analyse et la psychothérapie par des collègues sans formation analytique. Les débats sont en ce moment lourds devant la menace de voir le monde politique légiférer sur le statut des psychanalystes, sans reconnaître la spécificité de la formation psychanalytique, et en donnant un statut de psychanalyste à des collègues venus d’horizons divers, sans la formation clinique ni la rigueur théorique des écoles analytiques.
Mais le problème le plus difficile pour les psychanalystes est la suprématie de la pensée behavioriste. Les traitements comportementaux sont les seuls reconnus par les compagnies d’assurance, et ce sont les recherches sur l’efficacité de ce type de traitement qui fixent les critères de thérapies. Les travaux statistiques déterminent la confiance dans les thérapies et les psychanalystes ont pris du retard pour démontrer leur efficacité. La psychanalyse n’a pas très bonne presse en Amérique et la pratique de la psychothérapie est devenue le processus nécessaire aussi bien pour former les cliniciens que pour faire découvrir le travail analytique à un patient.
Les heures de gloire de la psychanalyse américaine se situent dans les années 1950-60, quand la volonté de maintenir la pureté analytique a dévalorisé la pratique de la psychothérapie dans les sociétés analytiques américaines. C’est toujours le cas dans la formation, malgré la diminution spectaculaire des cas d’analyse ces quinze dernières années. La règle pour la formation analytique est stricte : trois cas supervisés à 4 séances par semaine. La peur de diluer la psychanalyse a entraîné une politique rigide des instituts analytiques par rapport à l’analyse. Les années 50 ont été l’époque des grands débats, l’analyse étant définie par le processus, la recherche d’un noyau conflictuel, la continuité du traitement et les 4 séances par semaine. La psychothérapie étant alors une pratique plus légère dans la fréquence, sans recherche d’analyse du transfert, mais qui peut se faire avec le patient sur le divan.
Cependant le cadre dans lequel les analyses sont pratiquées est parfois flou, en effet on peut parler de traitement analytique quand les 4 ou 5 séances par semaine sont en face à face. Même si elles ne rentrent pas dans le contexte des analyses supervisées pour la formation, les analyses par téléphone ou par e-mail sont de plus en plus au goût du jour. La prescription médicamenteuse est pratiquement inévitable aux USA même pendant un traitement analytique, et rares sont les analystes médecins qui ne prescrivent pas eux-mêmes à leurs patients, rompant avec la neutralité classique.
Les négociations difficiles avec les compagnies d’assurance qui fixent les tarifs de remboursement et demandent des preuves d’efficacité aux thérapeutes, associées à la diminution des demandes d’analyse et la perte de l’intérêt des jeunes cliniciens pour l’analyse, ont amené les sociétés analytiques à être moins rigides. La pratique de la psychothérapie a été reconnue officiellement pour attirer de nouveaux élèves. Certains instituts autorisent comme premier cas de contrôle un patient en psychothérapie afin d’enseigner les indications de l’analyse et la façon de proposer une analyse à un patient.
Dans les années 90, de nombreux instituts de psychanalyse se sont mis à proposer aux jeunes psychiatres et psychologues, parfois aussi aux travailleurs sociaux, une formation spécifique de psychothérapeute, totalement séparée de la formation analytique. Les universités médicales ou de sciences humaines ne donnent presque plus de formation à une connaissance de la vie psychique. Rares sont les écoles qui offrent une initiation aux théories psychanalytiques ou une lecture de Freud. La formation des médecins ou des psychologues est presque uniquement organisée autour de connaissances neurologiques, génétiques, pharmacologiques et sur la recherche chiffrée. Les jeunes thérapeutes n’ont aucune idée sur l’existence d’une vie inconsciente, du transfert, d’une dynamique interne. Toute explication est centrée sur des causes externes, les traumatismes, et internes, la neurobiologie ; les traitements seront donc médicamenteux et behavioristes.
Les formations de psychothérapie offertes par les instituts de psychanalyse sont donc une introduction à la vie psychique, ce que l’on appelle la “psychodynamique”. Il est recommandé aux élèves de psychothérapie de faire une thérapie personnelle, mais ce n’est pas une condition pour commencer la formation. La formation à la psychothérapie est plus légère que la formation analytique -un soir de cours par semaine pendant 2 ans, associée à des supervisions faites par des psychanalystes ; cela permet d’attirer de nombreux cliniciens ou jeunes médecins et psychologues qui pratiquent déjà la psychothérapie mais sans formation adéquate. Certains vont ensuite s’orienter vers la psychanalyse et commencer une formation longue, mais ce n’est pas la majorité.
La puissante association américaine de psychanalyse qui régule la plupart des instituts de formation dans le pays, et fait partie de l’association internationale de psychanalyse, a entrepris une Psychotherapy Initiative qui offre un statut spécial aux collègues non analystes pratiquant la psychothérapie dynamique : ils peuvent devenir membres associés, psychotherapist associate, et participer aux congrès de psychanalyse où des meetings et des ateliers spécialement consacrés à la psychothérapie ont beaucoup de succès. De même, les jeunes psychiatres et psychologues peuvent faire leurs 2 ans de fellowship (une sorte d’internat) dans le cadre des instituts de psychanalyse où leur pratique de psychothérapie sera supervisée par un analyste.
Des programmes spéciaux existent aussi avec succès depuis une dizaine d’années : comment pratiquer la psychothérapie avec des patients états limites ou borderline ? Le travail d’Otto Kernberg avec les patients narcissiques et états limites a été à l’origine de formations spéciales, tant analytiques que psychothérapiques. Comment évaluer quels patients peuvent relever de l’analyse ? Quelle est la bonne technique psychothérapique avec des patients suicidaires, toujours débordant le cadre, ou violents ?
Enfin l’analyse d’enfant a subi aussi la même désaffection que l’analyse d’adulte, dans un monde où la pratique des 4 séances par semaine était la seule reconnue. Les candidats se font rares dans les instituts pour suivre la formation spécifique à l’analyse d’enfant, elle aussi longue et coûteuse, et souvent requise après la formation à l’analyse d’adulte ; c’est à la fois lourd pour eux, et il est très difficile de trouver des cas. Ou alors seulement des patients présentant des troubles graves qui rendent difficile le travail analytique. Les nouvelles formations des instituts analytiques à la psychothérapie de l’enfant rencontrent un grand succès.