Je vous propose deux ou trois points sur lesquels nous pourrons travailler pour ne pas oublier la question de l’humain dans l’équation en question. Ce qui m’a vraiment formé est la confrontation directe avec les situations impossibles des patients, dont on m’avait confié très vite la responsabilité de les soigner. Quand j’ai commencé la psychiatrie, ses lieux de soins ressemblaient plus à l’asile qu’à autre chose. Il y avait très peu de psychiatres, ce qui mettait les quelques « psychiatres en formation » devant la nécessité de répondre des soins pour les patients hospitalisés. Et j’ai eu cette chance de tomber dans la période de la mise en place de la psychiatrie de secteur (1972-73), pré-déterminée par tout ce que mes maîtres avaient réfléchi ensemble pour aboutir à la création de ce dispositif formidable.
À mes yeux, la psychiatrie de secteur est la révolution psychiatrique du 20ème siècle. Paradoxalement, elle est souvent vue comme une organisation un peu lointaine et déshumanisée. Alors que c’est précisément la volonté d’une psychiatrie humaine qui a présidé à sa création. On dit souvent de la psychiatrie de secteur qu’elle est obsolète. Vous êtes dans un secrétariat, vous entendez la secrétaire répondre à une demande de rendez-vous : -« Vous habitez dans quelle rue ? Pas de chance, c’est l’autre secteur, je vais vous donner son numéro ».
Les gens caricaturent le secteur en disant que c’est ça. C’est scandaleux, car le secteur ce n’est pas ça du tout. C’est une philosophie de soins qui consiste vraiment à traiter le patient dans son contexte de vie tout le temps qu’il faudra. Ce qui donne toute son importance au concept de « continuité des soins ». Bonnafé a proposé au ministère que le concept de « transfert », héritage freudien s’il…